vendredi 10 mars 2017

Pourquoi le milieu de l’action communautaire autonome doit-il s’intéresser à la finance $ociale?





Pourquoi le milieu de
l’action communautaire autonome
doit-il s’intéresser à la finance $ociale?
Texte de Josée Harnois TROVEP de la Montérégie
et Vincent Greason, TROVEP de l’Outaouais[1]
février 2016

Le gouvernement du Québec envisage de mettre en place des obligations à impact social pour financer certains programmes ou initiatives.[2]  Carlos Leitão, le ministre des Finances, étudie activement la question. Mine de rien, la finance sociale prépare son atterrissage au Québec. À tort, cette nouvelle a suscité peu de réactions du milieu de l’action communautaire autonome.[3]

La Finance sociale

… une initiative lancée au Canada par le gouvernement Harper…
« Une nouvelle façon de relever les défis sociaux et économiques actuels au Canada » (Diane Finley, alors ministre fédéral de l’emploi et du développement social.  On connait la ministre pour sa « réforme » de l’assurance-emploi, 2012.)

« Les gouvernements ont imposé des solutions aux problèmes de développement social et ont ignoré les approches innovatrices et efficaces mises au point par les collectivités locales et le secteur privé. » Grâce à la finance sociale, « le gouvernement peut rapprocher la société civile des personnes qui veulent investir dans des projets axés sur les résultats qui seront exécutés dans des collectivités locales afin de résoudre des problèmes sociaux. » (Jason Kenney, ministre fédéral de l’Emploi et du Développement social, successeur à Diane Finley)

… un courant international…
Née au Royaume-Uni en 2010, la finance sociale a été expérimentée également à New York, en Californie, au Massachusetts  et en Australie.  Elle s’inscrit donc à l’intérieur d’une tendance internationale qui prépare le post néolibéralisme.



Une définition

 « La finance sociale est une approche visant à mobiliser des capitaux privés générant un dividende sociale et un rendement économique pour atteindre des objectifs sociaux et environnementaux. La mobilisation de capitaux privés pour le bien social crée des occasions à la fois pour les investisseurs et pour les communautés : les premiers financent des projets qui profitent à la société et les seconds bénéficient de nouvelles sources de financement ». Emploi et Développement social Canada (EDSC), un organisme du gouvernement fédéral[4]

Une deuxième définition

« La finance sociale consiste à mobiliser le capital privé pour atteindre des buts sociaux, à créer des occasions pour les investisseurs de financer des projets qui sont avantageux pour les Canadiens et Canadiennes et à réaliser des profits financiers…  En mobilisant le capital et les pratiques commerciales du secteur privé, nous pouvons mieux relever les défis sociaux tels que l’itinérance, le chômage et la pauvreté ». Communiqué du Gouvernement du Canada[5]


Pourquoi la finance sociale maintenant?

« Les Canadiens et les Canadiennes ont pendant longtemps fait confiance aux gouvernements et aux organismes communautaires pour répondre aux besoins sociaux en constante évolution, et ont laissé les marchés, les investisseurs privés et le secteur des entreprises à s’occuper de la recherche et de l’obtention d’un rendement financier.  Ce système binaire ne fonctionne plus… »
Le Groupe canadien
sur la finance sociale
La finance sociale arrive au Canada et au Québec après plus de 30 ans de politiques néolibérales qui ont démoli l’État social. Cette déconstruction ayant atteint ses limites, l’heure est à la reconstruction du social sur une nouvelle base.

Les gouvernements de toutes allégeances politiques  sont prêts à mettre en place une nouvelle façon de « faire du social ». 

La finance sociale en est le fer de lance.





Payer pour obtenir les résultats[6]

La finance sociale s’enracine dans une logique post-néolibérale.  D’après celle-ci, le ou la citoyen.ne doit accepter de se tourner vers le marché pour répondre à ses besoins sociaux. L’idée que la réponse à ces besoins devrait relever de l’État est révolue. En facilitant le transfert de responsabilités gouvernementales dans le domaine du social vers le privé, et donc vers le marché, la finance sociale est au cœur de cette idéologie post-néolibérale.[7]

Les outils (« leviers ») de la finance sociale

Le gouvernement fédéral propose trois (3) outils pour faire avancer la finance sociale : les obligations à impact social; les entreprises sociales; et les fonds d’investissement social. [8] 

1. Obligations à impact social

En se concentrant sur les résultats, les obligations à impact social permettent au gouvernement de ne débourser des fonds que pour les initiatives ayant porté leurs fruits, d’encourager l’innovation et de mandater des prestataires de services en tant que groupe.
Les obligations à impact social influent fortement sur la structure des programmes de services sociaux, ce qui aura des incidences tant pour les ministères que pour les organismes du secteur social. Votre organisme est-il prêt pour l’arrivée des obligations à impact social au Canada?
Deloitte, Payer pour obtenir les résultatshttp://www2.deloitte.com/ca/fr/pages/perspectives-et-enjeux-daffaires/articles/payer-pour-obtenir-des-resultats.html

 (« Social Impact Bonds »)


À l’étude actuellement par le gouvernement du Québec, les OIS permettraient de lancer des programmes sociaux grâce à de l’argent privé. 

Formule initiée en 2010 par le gouvernement britannique de David Cameron, la première OIS visait à faire baisser de 7,5 % le taux de récidive d’un groupe de 2 000 détenus de la prison de Peterborough, par rapport à un groupe test non bénéficiaire du programme. Les résultats publiés en 2014 font état d’une baisse du taux de récidive de 8,4 %.

Au Canada, une OIS est à l’œuvre depuis 2014. Un centre d’hébergement pour mères monoparentales défavorisées de Saskatoon (Saskatchewan) a été financé à hauteur de 1 million de dollars par une OIS. Au bout de 5 ans, si un nombre suffisant d’enfants sont restés avec leurs mères après leur départ du centre, les investisseurs auront droit à un remboursement de la somme initiale, en plus d’obtenir une ristourne de 5 % par année.
Ailleurs au Canada, d’autres projets pilotes sont en préparation.  «Le projet pilote relatif à l'alphabétisation et à l'acquisition des compétences essentielles (2014) » du gouvernement fédéral veut trouver des investissements du secteur privé afin d’obtenir de meilleurs résultats pour des personnes analphabètes qui retournent sur le marché du travail.  Sur l’obtention des résultats convenus, les investisseurs du capital initial seront remboursés de leur investissement, en plus d’un retour maximal de 15 %[9];  de son côté, le gouvernement ontarien prépare les OIS pour soutenir : un programme de logement avec soutien communautaire (pour personnes itinérantes qui souffrent de problèmes de santé mentale); un programme d’aide au logement et de « persévérance scolaire » (pour des jeunes en milieu rural); et un programme visant à réduire la durée d’incarcération de jeunes détenus (à Ottawa).[10]
Qu’est-ce qu’une obligation à impact social (OIS) ?
  « Une OIS est un contrat entre le gouvernement et une ou plusieurs organisations externes. Dans le contrat, le gouvernement détermine les résultats sociaux souhaités et s’engage à verser aux organisations externes un montant convenu au préalable si ces résultats sont obtenus. Habituellement, les investisseurs fournissent l’argent à une organisation pour qu’elle offre un service. Si les résultats convenus au préalable sont atteints, les investisseurs reçoivent jusqu’à la totalité de l’investissement initial ainsi qu’un rendement financier. Si les résultats ne sont pas obtenus, le gouvernement ne paie pas. »[11]

L’OIS est fondamentalement un levier marchand.  C’est un contrat qui lie le pouvoir public aux entreprises privées, communautaires ou philanthropiques. 

Puisque le contrat établit les « résultats sociaux souhaités » et comprend « un rendement » versé selon l’obtention des résultats visés, l’OIS annonce une situation où certains champs du social seront identifiés comme étant solvables ou rentables.  Et d’autres deviendront non-solvables.
 
Dans cette marchandisation du social, le risque n’appartient plus au pouvoir public.  C’est l’entrepreneur-investisseur qui prend le risque – celui de la non-atteinte du résultat.  Si le résultat n’est pas obtenu, le gouvernement ne paie pas.  Les investisseurs ne s’intéresseront qu’aux champs du social qui se démontrent potentiellement rentables. 

Quant aux champs non-solvables, ils resteront, sans doute, du ressort d’un pouvoir public peu intéressé et peu enclin à y investir de l’énergie et des ressources.





« Les partenaires » d’une OIS

Trois partenaires sont impliqués dans une OIS: le gouvernement, un organisme intermédiaire et une tierce-partie qui fait le travail sur le terrain.[12]

Le visage réel d’un partenariat OIS (2012)
Un partenariat entre la Ville de New York (pouvoir politique) et Goldman Sachs  (investisseur qui fait un prêt de 9,6 millions sur 4 ans) pour contrer la récidive des jeunes délinquants de prison Rikers Island. Si le taux de récidive est réduit de plus de 10%, Goldman Sachs fera un profit de 2 millions en plus de se voir rembourser son 9,6 millions. Manpower Demonstration Research Corporation (tiers-partie) a eu le contrat de services. La fondation Bloomberg Philanthropies (investisseur 2), la fondation du maire de New York, a garanti le prêt de 9,6 millions de Goldman Sachs.

Le projet a été un échec.
Dans certaines OIS, le gouvernement détermine des résultats à obtenir  par rapport à un objectif social quelconque.  Dans d’autres, ce sont des entreprises qui proposent des projets concrets au gouvernement qui sélectionne ceux qui lui conviennent.  Peu importe, le gouvernement ne dépense que si les résultats satisfaisants sont obtenus.  Dans un tel cas, une ristourne de jusqu’à 15% peut être accordée aux investisseurs.

Le rôle de l’organisme intermédiaire est double. Il est signataire du contrat avec le gouvernement et à ce titre, il doit s’assurer de la réalisation du projet d’innovation sociale. D’autre part, il se procure les capitaux auprès des investisseurs intéressés (privés ou fondations), ceux-ci achetant des obligations à impact social permettant de conclure une entente de service avec une tierce-partie.  Ce contrat indique les résultats attendus.  Par ailleurs, un « tiers neutre » sera désigné pour évaluer les résultats du projet (l’impact) et en donner la preuve (la certification) au pouvoir public. [13]  Au Québec, peut-on penser qu’un organisme intermédiaire soit une table de développement social ou un consortium d’organismes philanthropiques?

Enfin, la tierce-partie, un organisme fournisseur de service, doit « livrer la marchandise ». Il est lié par une relation contractuelle (entente de service) avec l’organisme intermédiaire.  Il doit être fiable et capable d’obtenir les résultats voulus.  Dans le contexte québécois, les organismes communautaires pourraient jouer le rôle du tierce-partie.[14]

2.  Les entreprises sociales

La finance sociale dépend des entreprises sociales.  Une entreprise sociale est « une organisation qui utilise une approche axée sur le marché pour poursuivre des objectifs sociaux ou environnementaux, comme un café-restaurant qui recrute des jeunes à risque ou une institution de microfinance qui offre des services financiers abordables et des prêts à faible intérêt aux communautés autochtones. »[15] 
«  La finance sociale présente un potentiel énorme qui nous permettra d’accéder à de nouvelles sources de capitaux et de changer radicalement la façon dont nous tous – les gouvernements, les entreprises, les organismes sans but lucratif, les organismes de bienfaisance et les fondations – travaillons ensemble en vue de trouver de nouvelles façons d’améliorer les résultats sur le plan social et économique…

Diane Finley, ministre
l

Au Québec, les entreprises d’économie sociale sont des organismes sans but lucratif (OSBL) ou des coopératives dont la mission est de répondre aux besoins qui sont à la fois socialement utiles et économiquement rentables.  À la différence d’un organisme d’action communautaire autonome, un organisme d’économie sociale poursuit une activité marchande.  Selon la documentation gouvernementale, les organismes d’économie sociale sont les partenaires privilégiés de la nouvelle finance sociale. De plus, une nouvelle loi au Québec accorde une priorité aux entreprises en économie sociale dans l’obtention des contrats publics.[16] Ce n’est donc pas étonnant que le Chantier sur l’économie sociale soit un promoteur important de la finance sociale au Québec. 
Cependant, l’entrepreneuriat social dépasse les organismes d’économie sociale.  En fait, un entrepreneur social peut se structurer en organisme à but lucratif.  Il peut poursuivre une activité commerciale qui répond à un besoin social ou environnemental et qui est profitable.
Si auparavant, l’entrepreneuriat social était une appellation davantage associée aux OSBL et au mouvement coopératif, une nouvelle génération d’entrepreneurs sociaux n’est manifestement plus soumise aux inconvénients d’un conseil d’administration. La finance sociale, qui ouvre le social au marché, représentera une véritable manne pour l’entrepreneur social. Elle démontrera que les activités marchandes à but lucratif peuvent à la fois croître, être solvables et pérennes et avoir une éthique sociale et environnementale.  Décidément, le capitalisme annoncé par la finance sociale sera béat...

3.   Les fonds d’investissement social (FIS)
Un troisième levier de la finance sociale s’avère les fonds d’investissement social (FIS).  Le gouvernement canadien souligne que les FIS « donnent aux investisseurs la possibilité d’orienter leurs capitaux vers des initiatives relatives au bien public, comme des projets de logements abordables ou de développement communautaire et des entreprises sociales ou des organismes sans but lucratif. »

Puisque les entrepreneurs sociaux (individus ou corporatifs) n’ont pas nécessairement tout le capital nécessaire pour mener à bien leurs projets, les FIS servent à regrouper des capitaux pour accorder des prêts, des hypothèques et des capitaux de risque (social) aux OSBL, aux acteurs de l’économie sociale et aux entreprises sociales (avec ou sans but lucratif)

Centraide Montréal, la Fondation McConnell, la Fondation Chagnon et la finance sociale


À l’automne 2015, Centraide-Montréal annonce la formation d’un nouveau consortium réunissant les trois fondations mentionnées ci-haut et trois autres.  Le consortium lançait « un travail de collaboration en vue d’un changement systémique » et  ce « afin d’influencer les politiques publiques et le comportement des citoyens » en matière de lutte contre la pauvreté.  Le Projet d’impact collectif (PIC) en est le résultat.

Le PIC recherche de l’innovation dans la manière d’intervenir contre la pauvreté au sein des quartiers défavorisés de Montréal.  À cette fin, Centraide a mobilisé 17 millions $ de sources philanthropiques, et ce sur une période de cinq (5) ans.  Pour l’instant, le PIC ne comporte pas d’investissement public (bien que la Fondation Chagnon négocie de nouvelles ententes avec le gouvernement du Québec).

Pour avoir accès aux contrats, un organisme (une tierce-partie) doit déposer un projet innovateur  qui établit clairement les résultats recherchés, des moyens pour atteindre ceux-ci, un processus d’évaluation…
Une cinquantaine de FIS existent au Canada dont la majorité se trouvent au Québec et en Colombie-Britannique. Ensemble, ils mettent à la disposition d’investisseurs sociaux plusieurs milliards $. Parmi ceux-ci, le Fonds d’Impact RBC, créé en janvier 2012, investit pour appuyer la recherche de solutions aux problèmes environnementaux et sociaux; la Fiducie du Chantier de l’économie sociale compte un bon nombre d’investisseurs (fiduciaires) dont Développement économique Canada, le Fonds de solidarité de la FTQ, Fondaction de la CSN et le gouvernement du Québec. En plus, Investissement Québec finance directement les organismes d’économie sociale. Enfin, les fondations privées, dont McConnell et celle de Lucie et André Chagnon explorent la finance sociale.  Voir l’encadré pour un exemple concret de la nouvelle philanthropie dans le champ de la finance sociale. 

 

Les acteurs


Qui est derrière la finance sociale?  Nous avons déjà nommé l’intérêt des gouvernements du Canada, Québec et Ontario. Ce n’est pas anodin.  En 2011, la ministre Finley a lancé un appel national d’idées sur le sujet : plus d’une centaine d’individus et de groupes y ont répondu.  Exploiter le pouvoir de la Finance sociale- réponse des canadiens à l’appel national d’idées sur la finance sociale de Ressources humaines et développement des compétences Canada s’avère le recueil de cet appel.  Il est disponible au http://www.esdc.gc.ca/fra/consultations/finance_sociale/rapport/index.shtml

Les gouvernements sont également alimentés sur la finance sociale par une brochette de personnes et d’intérêts financiers influents. Deux comités influents doivent être signalés.  

 Le Comité consultatif national du Canada du groupe de travail sur l’investissement social : Ce groupe, d’une vingtaine de personnes, existe encore et prépare périodiquement des rapports suggérant des pistes pour faire avancer la finance sociale au Canada.  Parmi les Québécois qui y siègent :  Tim Brodhead, président et chef de la direction (par intérim), Fondation Pierre Elliott Trudeau, membre des CA de la Fondation McConnell et de la Fondation Chagnon;  Pierre Legault, directeur général, Renaissance (Montréal); Marguerite Mendell, professeure agrégée à l’École des affaires publiques et communautaires de l’Université Concordia; Nancy Neamtan, ancienne présidente et directrice générale, Chantier de l’économie sociale;  Rosalie Vendette, conseillère principale en investissement socialement responsable pour le Mouvement Desjardins.  Notons également la présence de Stanley Hartt, ancien sous-ministre des Finances et chef de cabinet du Premier ministre Brian Mulroney.

Le comité consultatif a pris la place du Groupe d’étude sur la finance sociale, un groupe de douze experts, constitué par le gouvernement du Canada.  Il s’est dissout après le dépôt de son rapport final « La mobilisation des capitaux privés pour le bien commun » (2010).  Brodhead et Neantam en faisaient partie, tout comme le très honorable Paul Martin - ancien premier ministre du Canada.



Enjeux pour le milieu communautaire

Le social au marché
Concevoir le social comme un marché contredit les fondements même du mouvement d’action communautaire autonome québécois.  Celui-ci est un mouvement citoyen, et les groupes qui le composent sont voués à la défense des citoyen.nes et à l’avancement du bien commun. Réduire le citoyen au consommateur et l’intervention communautaire au clientélisme dénaturent la réalité même d’un milieu qui a fait l’objet d’une politique de reconnaissance unique en Amérique du nord. Marchandiser le social c’est confier au consommateur la responsabilité de satisfaire ses propres besoins; c’est faire abstraction des causes systémiques qui sont à l’origine des problèmes sociaux (pauvreté, logement, santé, éducation). 

L’instrumentalisation accrue du communautaire
Qu’en sera-t-il des organismes communautaires dans un environnement où le « tout social » est au marché ?  Le communautaire « inutile » aux bailleurs de fonds, ou dont l’intervention n’attire pas les investisseurs, sera vite mis au rancart.  Adieu aux groupes qui défendent les droits, qui critiquent, qui ne se vendent pas, qui ne sont pas performants…  Bienvenue à ceux qui atteignent les objectifs de réinsertion sociale, de travail ou de santé!

La transformation des pratiques
La finance sociale poursuivra la dénaturation du milieu.  L’idée d’un communautaire au service des citoyens cédera la place à un communautaire à visée marchande dont l’utilité principale sera la capacité de livrer les résultats souhaités. La mainmise sur des groupes par les investisseurs désireux de résultats et par d’autres experts (évaluateurs indépendants, comptables, Deloitte, intermédiaires, etc.) sera absolue.  La finance sociale aura un impact structurant sur le milieu, effaçant toute trace d’un mouvement citoyen revendicateur.

Le financement du communautaire
La substitution du financement à la mission globale par des ententes de services fait déjà partie du décor des organismes d’ACA.  On remet ainsi en cause autant l’autonomie que la mission de transformation sociale, deux éléments qui sont au cœur du mouvement d’action communautaire. 

Comme d’autres formes d’allocations (aide sociale, chômage, subsides au loyer), le concept de « subvention  de mission » (ou même de subvention tout court) est étranger à la finance sociale. On annonce carrément la privatisation du financement du communautaire.  Les groupes seront réduits au rôle de fournisseurs de services.  Ils seront appréciés comme main-d’œuvre bon marché.


Notes de fin de texte


[1] Les auteurs reconnaissent l’apport de Georges LeBel qui a bien voulu s’asseoir avec eux à deux reprises.
[2] « Du financement privé pour réaliser des missions de l’État - Le Québec n’exclut pas de recourir aux obligations à impact social », Le Devoir, 18 novembre 2015.  http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/455411/du-financement-prive-pour-realiser-des-missions-de-l-etat
[3] L’exception étant Marie-Eve Couturier de l’IRIS.  Voir « Faire de l’argent avec la misère des autres », 19 novembre 2015.  Disponible au http://iris-recherche.qc.ca/blogue/faire-de-l-argent-avec-la-misere-des-autres  Notons également :  RIOCM,  L’économique sociale : est-ce pour bientôt au Québec,  janvier 2016, disponible au : http://www.riocm.ca/bulletin/la-finance-sociale-au-quebec-est-ce-pour-bientot/
[4] Site WEB de l’Emploi et du Développement social Canada (EDSC) (visité en janvier 2016).  Une version antérieure du site a été encore plus explicite : « La finance sociale est une approche qui consiste à mobiliser des capitaux privés assurant un dividende social et un rendement économique en vue d’atteindre des objectifs sociaux et environnementaux. Elle permet aux investisseurs de financer des projets au profit de la société et aux organismes communautaires d’avoir accès à de nouvelles sources de financement. »  (visité en 2014, notre soulignement).
[5] Gouvernement du Canada, EDSC, « Le gouvernement du Canada prend des mesures pour relever les défis locaux », communiqué, 8 novembre 2012
[6] Le titre d’un document produit par Deloitte sur les obligations à impact social.  Deloitte, « Payer pour obtenir les résultats », 2014.
[7] Une critique de la tendance de marchandisation du néolibéralisme se trouve dans Ligue des droits et libertés, Le rapport sur les droits humains au Canada et au Québec, 2012.  Disponible au www.liguedesdroits.ca
[8] Selon la page web du EDSC du gouvernement fédéral, op. cit.
[11] Page web, EDSC, op cit, consultée en janvier 2016.
[12] On parle des deux derniers comme si c’est au singulier; dans les faits, il peut y en avoir plusieurs organismes intermédiaires ou tierce-parties.
[13] Notamment le document de Deloitte.
[14] Actuellement, plusieurs organismes communautaires (notamment ceux de l’action communautaire autonome) reçoivent un financement public « en appui à la mission ».  Dans le modèle de finance sociale qui semble bien vouloir s’instaurer, les investisseurs procéderont par appel d’offre pour trouver les tierce-parties intéressées à relever les défis (et à se faire financer…).  Dans la mesure ou la finance sociale dépend de la marchandisation du social, les entreprises privées ou les entreprises en économie sociale (en santé, en éducation, en services aux ainées, en alphabétisation, etc) vont bien vouloir participer aux appels d’offre.  Dans ce contexte, le financement public, octroyé aux organismes communautaires québécois, représente-t-il de la concurrence déloyale?  L’instauration de la finance sociale, sonne-t-elle le glas au financement public du communautaire? 
[15] Paragraphe tiré de la page web d’EDSC.
[16] Loi sur l’économie sociale ;  2013  (RLRQ c E-1.1.1), articles 2 et 6. 





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