mardi 6 avril 2010

Le Communautaire québécois: où sont les membres?


Un texte de discussion/débat
de vincent greason
mars 2010

Le communautaire québécois :
Où sont les membres?
Réflexions sur l’état de la vie associative dans le milieu communautaire[1]

Le français n’est pas (encore) celui de Molière…
et le texte se cherche encore…
Néanmoins, c’est le temps qu’il parte –

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Résumé
Dans les années 1960, les premiers «groupes populaires» sont composés de militants-membres.  Forme principale d’organisation communautaire jusqu’à dans les années 1980, le groupe populaire «appartient» aux membres. Réunis en assemblée générale, les membres déterminent la direction politique de leur groupe.  Quand la démocratie directe s’avère un fonctionnement trop lourd, ceux-ci se dotent d’un comité de gestion qui donne suite à leurs orientations et auprès de qui le comité demeure complètement redevable. À partir du modèle «populaire»  les principes fondamentaux de la vie associative propre au Québec s’élaborent.  Or, plusieurs raisons expliquent que le modèle populaire n’est plus celui qui domine «le communautaire» d’aujourd’hui, dont l’arrivée de la Nouvelle gestion publique (NGP) et ses effets structurants sur le milieu.  En conséquence, le membre engagé se fait remplacer par l’utilisateur et même par le client.  Beaucoup plus qu’un changement de vocabulaire, c’est la relation même d’une personne à l’organisme qui est en jeu.  Le communautaire québécois, comme lieu d’engagement citoyen,  se trouve ainsi à une croisée de chemins.


Le communautaire québécois :
Où sont les membres?

Introduction
À l’origine du mouvement communautaire, les premiers «groupes populaires» sont composés de militants-membres.  Forme principale d’organisation communautaire jusqu’aux années 1980, le groupe populaire «appartient» aux membres. En assemblée générale, les membres statuent sur presque tous les aspects du groupe, du service offert aux heures d’ouverture. Quand la démocratie directe s’avère un fonctionnement trop lourd, les membres se dotent d’un comité de gestion pour donner suite aux orientations déterminées par eux et auprès de qui il demeure complètement redevable.

S’identifiant comme faisant partie d’un  mouvement large de transformation sociale, les groupes populaires sont indéniablement une force démocratique.  À partir du modèle participatif «populaire» s’élaborent les principes fondamentaux d’une vie associative qui est propre au Québec et unique en Amérique du nord.[2]  Cette vie associative – concept qui comprend l’ensemble d’activités, de lieux et de façons dont un organisme se dote pour faciliter l’interaction entre les membres- est intégrale, sinon essentielle, à la construction et au maintien d’un mouvement démocratique. Au cœur de cette conception de la vie associative est l’idée suivante: un groupe, redevable à ses membres, existe pour ses membres. 

Au cours des années 1980, l’appellation «populaire» est remplacée par celle du «communautaire».  Mais fidèle à ses racines dans le milieu populaire, le nouveau mouvement communautaire autonome québécois s’identifie toujours comme «un mouvement large d’intérêt public», porté et composé de groupes qui,  favorisant l’implication citoyenne,  témoignent d’une vie associative riche et variée.[3]   Cependant, nonobstant ces déclarations formelles force est de constater l’existence de changements profonds qui modifient le rapport du citoyen aux organismes censés de les «représenter».[4]

Le pouvoir au sein des groupes
Le communautaire se développe au Québec comme un mouvement démocratique de transformation sociale.  Dans un groupe populaire, le pouvoir s’exerce directement par les membres qui se sentent partie prenant de leur groupe.  Dans un groupe communautaire, l’exercice du pouvoir est balisé à partir du moment où le groupe s’incorpore. Parce que tout organisme qui reçoit du financement du gouvernement du Québec doit être légalement constitué,[5]’il n’est plus vrai que les membres «contrôlent» leur groupe.  L’incorporation révèle une tension réelle entre l’exigence de la loi et les pratiques démocratiques du mouvement communautaire, notamment autour de la notion de la «primauté de l’assemblée générale».   La Ville de Montréal (1992) souligne le dilemme dans un document produit à l’intention des conseils d’administration bénévoles :
«L’instance habilitée par la loi à prendre des décisions et à parler au nom de la corporation est le conseil d’administration.  Son pouvoir d’administrer ne lui vient pas de ces membres mais de la loi elle-même.  Ainsi les membres ne peuvent d’aucune façon restreindre ce pouvoir […] «Il convient ici de détruire un mythe largement répandu dans la culture des organismes sans but lucratif, à savoir que «l’assemblée générale est souveraine  (Notre soulignement)

Ce bref détour sur l’incorporation obligatoire des organismes situe bien notre interrogation sur la place des membres au sein des organisations communautaires.  Sans remettre l’incorporation comme telle en question,  force est de constater qu’elle déplace le pouvoir dans un organisme.   La loi relègue les «membres» à une place de seconde zone au sein de leur propre organisme parce qu’elle concentre le pouvoir au sein du conseil d’administration (CA), un groupe sélect de membres.  Nous verrons plus loin que même la composition du CA se transforme, de sorte qu’il s’éloigne à son tour des membership.    

Au début des années 2010, les membres actifs et engagés, l’épine dorsale de tout mouvement démocratique, sont une espèce en voie d’extinction dans bien d’organismes communautaires québécois.  Non pas que les groupes sont vides, loin de là.  D’ailleurs, ils débordent des personnes : mais celles-ci sont des clientes ou des consommatrices de services, des personnes qui entretiennent une forme de relation au groupe autre que celle d’un membre.  Un client, consommateur de service,  ne cherche pas un engagement.  Encore moins ne cherche t-il à mieux jouer son rôle de citoyen éveillé et critique.  D’ailleurs, faute de lieu, de temps ou de volonté, le débat –élément critique d’une vie démocratique en santé -  se fait rarement au sein des groupes communautaires.  Si le communautaire actuel est efficace, performant, accueillant et innovateur, il n’est plus un incubateur de projets collectifs visant la transformation sociale. 

Pire, souvent les gros débats «de fond» se tiennent loin des membres-citoyens.  Un petit exemple.  Afin de financer le véhicule communautaire qu’il allait privilégier pour faire la lutte territorialisée contre la pauvreté, le gouvernement du Québec crée en 2006 un nouveau programme de financement propre aux corporations de développement communautaire (CDC).  Pour y avoir accès, une CDC doit démontrer qu’elle a « une mission principale qui contribue à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale».[6]  Malgré le fait que, du moins jusqu’en 2005[7], les CDC ne se sont jamais identifiées comme faisant partie de «la lutte à la pauvreté», plusieurs de ces regroupements ont modifié leur mission pour ajouter ce  volet afin de pouvoir obtenir du financement.  Cet «ajustement» s’est fait sans débat de fond auprès de leurs membres (encore moins auprès des membres de leur membres)  sur le sens à accorder à cette lutte.   

Un exemple parmi d’autres qui indique comment le corporatisme[8] s’installe dans le milieu et comment on peut constater un affaiblissement progressif du rôle des membres au sein des groupes.   Proposons quelques éléments d’analyse afin de donner un contexte à cet éloignement réciproque du membre au groupe et du groupe aux membres.

Un milieu en mutation
En soumettant l’ensemble de groupes communautaires au  modèle développé en grande partie par le  ministère de la Santé et des Services sociaux, la Politique de reconnaissance d’action communautaire (PRAC) (Gouvernement du Québec, 2001) modifie symboliquement le terrain du communautaire au Québec (Jetté, 2008).  En ce sens, cette politique permet à l’État une mainmise sur les quelques secteurs de l’activité communautaire qui avait jusqu’alors échappé  à son contrôle.[9]   Cependant, à un deuxième niveau, l’importance de la  PRAC dépasse le symbolique.  Créature de la réorganisation étatique plus large (MÉPACQ, 1996; Greason, 1998),  Zone de Texte: Deux exemples de la NPG

Le Pacte pour l’emploi a été élaboré par un groupe d’experts du ministère de l’Emploi et des services sociaux.  Le modèle sur lequel il repose est une courbe mathématique formée d’un certain nombre de déterminants («espérance de vie», «taux de natalité», «immigration attendue»,  etc.) Selon le modèle, d’ici vingt ans,  le Québec s’enlise vers une situation démographique nouvelle ou il y aura 1) une pénurie de main d’œuvre ; 2) un bassin imposable moindre; et 3) une explosion de vieilles* qui auront  besoin de services médicaux et autres.  Le plan d’action du Pacte, tout comme celui du  Pacte plus sont à la fois un appel au partenariat et fixent  des cibles à atteindre.  Un excellent exemple de modélisation de l’avenir

*    L’indicateur indique que les vieux vont mourir – le problème sera les vieilles…
 

L’aventure de la grippe porcine offre un deuxième exemple de la modélisation sociale.  La société est déterminée «malade», non pas parce qu’il y a de nombreux cas réels de la grippe porcine, mais parce que le modèle prédit l’invasion imminente du virus H1N1.  Sur la base d’un modèle diagnostique de la réalité,  la Santé publique a mis en place toute la série de mesures qu’on connait…  Fait remarquable : lorsque la pandémie ne s’est pas présentée, ce n’est pas le modèle qui est remis en question – c’est la réalité qui a fait défaut... Et on nous avertit de la venue d’une «troisième vague»…

elle arrive précisément au moment où la Nouvelle gestion publique (NGP)  s’installe au Québec (Brunelle, 2005; Lamarche, 1996). 

La NGP est un concept de gestion publique né dans les milieux néolibéraux des années 1970.   Arrivée au Québec avec la réforme Léonard de la fin des années 1990, la NGP  prône la modernisation du management des administrations publiques dans le but d'en améliorer le rapport coût/service.   Elle s’appuie également sur une approche pragmatique de gestion qui nie toute différence entre la gestion publique et la gestion privée.[10]  Les pouvoirs publics doivent moins se préoccuper de ramer que de tenir le gouvernail (Osborne, Gabler, 1996).   En catalyseur et accompagnateur,  l’État définit les priorités collectives et  dégage des ressources financières sans s'investir dans les détails de leur réalisation.

Les «détails» relèvent dorénavant du domaine des  «partenaires»  qui proviennent des paliers publics inférieurs (municipalités, villes), du privé… et du communautaire.   Dans ce sens, la NGP balise la territorialisation des activités étatiques, ce qui explique pourquoi, à la suite des réformes opérées des gouvernements du Parti québécois des années 1990, la présence de l’État québécois en région a pris de l’ampleur (MÉPACQ, 1996).  De même, les gouvernements libéraux suivants ont poursuivi le même élan de la déconcentration (abusivement qualifiée de décentralisation alors qu’aucun pouvoir ne passe du centre aux régions) en mettant davantage l’accent sur « le local ». 

La logique de la NGP imprègne donc la PRAC, laquelle, faut-il se rappeler, a été négociée avec les représentants du communautaire et entérinée par la majorité des regroupements (CAACA, 2002).  Conformément aux principes de la NGP, la PRAC définit clairement les règles de jeu entre l’État-bailleur de fonds et les organismes subventionnés (Québec 2001, 2004).   Elle normalise  la pratique des ententes de services par lesquels l’État définit le produit à fournir, et dont, à son insu, le communautaire devient le fournisseur[11]; elle institutionnalise un régime de reddition de comptes qui permet au bailleur de fonds de scruter minutieusement l’utilisation des fonds publics; elle s’appuie sur  la territorialisation des activités étatiques et prône le partenariat comme nouvelle forme de gouvernance. 

Enfin, la NGP conçoit le  citoyen comme un consommateur de services publics auxquels l'État doit rendre le meilleur service au moindre coût.  De même, la PRAC se base sur une conception du groupe communautaire comme un  «fournisseur de service», une vision très présente dans le secteur de la santé et des services sociaux.  Dans cette même perspective, le groupe communautaire est fréquenté davantage par le client-consommateur, souvent référé par «le réseau», pour un service bien précis.  En contrepartie, cette vision n’accorde aucune valeur à l’idée du citoyen-membre-engagé, un concept en train donc de s’éclipser pour les raisons qu’il convient de documenter  (Favreau 2009).   

Des mutations qui changent  la nature de l’implication citoyenne
Dans la perspective de la NGP/PRAC, même si l’État se retire progressivement de l’offre directe de certains services, le besoin de ces services ne disparaît pas.  Ils sont exigés par la population. L’État a donc besoin de créer un réseau parallèle de fournisseurs de services fiables et  «professionnels», muni néanmoins d’un mécanisme qui lui permet d’en garder le contrôle.   Une nouvelle dynamique s’installe qui crée un clivage entre le communautaire «producteur de services» et le citoyen «consommateur», remettant ainsi en question le concept même de «membre engagé». 

Pris entre l’arbre et l’écorce, entre ses origines et le rôle que l’on veut lui faire jouer, le communautaire s’enlise sur la pente glissante qui transforme profondément la relation du groupe aux personnes qui le fréquentent.  Si plusieurs facteurs expliquent et décrivent les effets de cette transformation; nous nous en limiterons à quatre, lesquels nous semblent peu abordés dans la littérature consultée. 

D’abord, les membres ont peu de place dans un groupe professionnalisé; le nouveau mode de  «reddition de comptes» rendent inaccessibles aux membres une compréhension réelle de leur groupe; et impose une nouvelle obligation de «compétence» d’un CA laquelle entraine l’émergence d’un fonctionnement en CA «à deux vitesses» par lequel les membres sont encore dépossédés de leur groupe; enfin, et dans la même foulée, «la responsabilisation des administrateurs» crée un climat de peur et met définitivement fin à une conception du CA comme un lieu d’apprentissage.

La professionnalisation du milieu communautaire
Un groupe communautaire n’est pas composé de pairs.  Même s’il est issu du milieu (Québec, 2004), le groupe communautaire ne peut plus se permettre, comme à l’époque des groupes populaires, de piger dans sa base militante pour embaucher son personnel.  Pour offrir le niveau de service exigé aujourd’hui, l’intervenant communautaire se doit d’être plus compétent et plus formé que jamais.[12]   De fait, le personnel du communautaire possède indéniablement une connaissance des problématiques auxquelles il est confronté au quotidien. Par contre, peu d’intervenants communautaires ont «fait leur temps» comme militant dans le milieu de leur «intervention» et donc leurs connaissances sont fort différentes de celle du vécu qui était valorisée autrefois.[13]  Le danger d’une formation scolaire qui n’est pas complétée par une connaissance terrain est celui de traduire immédiatement ce que l’on entend sur le terrain dans le langage «professionnel» qui est plus familier.  Concrètement, le danger pour l’intervenant est de  transformer «Mon enfant a faim» à «Son enfant est à risque et il lui faut diriger vers une intervention en persévérance scolaire».  En remplaçant les mots de la «clientèle» par un vocabulaire plus clinique, on dévalorise l’expérience du citoyen et crée une hiérarchie : «Vous avez dit mais vous vouliez dire…». On sait mieux qu’eux ce dont ils ont besoin. Cette hiérarchisation, dont l’effet n’est certainement pas voulu,  se vit à bien des niveaux : des titres d’emploi en passant par la disposition des bureaux, l’habillement du personnel, l’instauration des heures d’ouverture, le vocabulaire employé dans une conversation, et même l’affichage en milieu du travail (style : «Défense de flâner»).  Tous ses phénomènes sont trop présents actuellement dans le milieu.  

La conception du groupe communautaire comme un fournisseur de services creuse un écart entre les «consommateurs» de services et les «producteurs» de ceux-ci. [14]  On normalise ainsi une situation où les usagers des groupes communautaires s’y rendent pour se prévaloir des connaissances des intervenants.   Le pouvoir dans le groupe se déplace vers les professionnels, détenteurs de la connaissance valorisée : en ce sens, le personnel  possède quelque chose que le client n’a pas, et ce quelque chose est une réponse au besoin.  La finalité du travail de l’intervenant communautaire professionnalisé devient la livraison d’un bon service.  La fin devient plus importante que le «processus» utilisé pour y arriver.  Parce que le client a toujours raison, parce que le service prime, parce que la NGP exige l’évaluation selon le rendement,  c’est le résultat qui compte. 

Voici donc qu’une autre dimension de la professionnalisation du communautaire se présente.  «Services de première ligne», les solutions aux problèmes rencontrés dans le communautaire se trouvent souvent à l’extérieur du groupe.  Les solutions ne se trouvant plus à l’intérieur d’un groupe, on réfère souvent le client ailleurs –dans un autre groupe, au réseau, au Carrefour jeunesse-emploi, etc.….  Le travail de l’intervenant communautaire consiste souvent à bien connaître les ressources à l’extérieur du groupe.  À ce titre, il interagit fréquemment avec des professionnels du réseau ou ceux des différentes tables sectorielles.  Ironie suprême, issue de cette professionnalisation, est que l’hiérarchie constatée au sein du groupe entre l’intervenant et les membres/usagers n’existe pas en dehors du groupe.  Dans des lieux partenariaux et de concertation, on s’efforce de travailler sur un pied d’égalité.  Avec les professionnels du réseau, les professionnels du communautaire  partagent un niveau d’instruction et une façon de faire qu’ils ne trouvent pas avec la clientèle au sein de leur groupe.  La «solidarité» s’exprime davantage entre professionnels qu’entre l’intervenant et l’usager du groupe.  Faut-il s’étonner d’apprendre que dans le secteur de la santé et des services sociaux, l’expérience communautaire est souvent perçue comme un tremplin pour dénicher un emploi dans le réseau (Comeau et al, 2009).

Pour que le groupe communautaire joue le nouveau rôle qu’on lui demande, une certaine professionnalisation est inévitable et même nécessaire.  En contrepartie, les enjeux du nouveau rôle dépassent largement les intérêts, la compréhension et même les compétences «du monde ordinaire» qui fréquentent le groupe. Ainsi la question est posée : si on ne peut pas envoyer «un membre» au Centre local d’emploi pour représenter le groupe, ni lui demander de rédiger un mémoire au nom du groupe, et s’il n’est pas suffisamment formé pour intervenir auprès de ses concitoyens, que peut-il faire aujourd’hui au sein d’un groupe professionnalisé ? 

2.  La reddition de comptes…
À un autre niveau, le milieu communautaire se professionnalise également pour faire face aux exigences imposées par les bailleurs de fonds, autant public que privé.  Si le pouvoir dans un groupe se déplace des membres vers les professionnels, il se déplace également vers les bailleurs de fonds.  À noter : la «reddition de comptes», concept en provenance de la NGP,  exige une professionnalisation administrative et financière accrue des groupes qui, de nature, est différente de celle décrite dans la section précédente.[15]

Ce ne fut pas toujours ainsi.  Il y a peu de temps, le bilan d’activités, qui n’était pas forcément un document écrit,  était élaboré à l’intention des membres.[16]  De même, le bilan financier prenait une forme visuelle afin d’en faciliter la compréhension par les membres.  A l’époque, on utilisait une «recette» pour faire les carrés aux dates; aujourd’hui, on utilise le mot «recette» pour décrire une partie des données qui se trouvent dans un bilan financier, lequel d’ailleurs est largement incompris des membres.

La «reddition de compte» a pour effet que les documents fondamentaux d’un organisme sont inaccessibles aux membres parce qu’ils ne sont plus rédigés pour eux. Bien remplies de statistiques, de témoignages de clients satisfaits et de mots des partenaires sur l’importance du groupe pour le milieu, les cinquante pages du bilan annuel d’un groupe communautaire ne seront jamais lues par les membres.  Remis sur place à l’AGA, il  est parfois présenté (par le directeur de l’organisme) mais rarement discuté par les membres.  Le rapport annuel et le bilan financier servent aujourd’hui à vendre sa salade : la subvention en dépend.  Bien qu’il demeure nominalement redevable aux membres, l’organisme communautaire est  surtout redevable aux bailleurs de fonds, dont l’État. 

L’exigence de la reddition de compte retombe à d’autres niveaux sur le groupe communautaire, notamment par l’instauration du culte du mesurable. Celui-ci dicte que seul ce qui est mesurable est valorisé;  le rôle jadis du communautaire comme école de la citoyenneté ne l’étant pas, il n’est plus à l’ordre du jour des groupes.  Par contre, la  «fourniture professionnelle de services» est éminemment mesurable dans la mesure où le fournisseur se dote de moyens convenables pour le faire.

3.  Le conseil d’administration «à deux vitesses»
Pour assumer les nouvelles responsabilités confiées par l’État,  il incombe aux groupes de se doter de conseils d’administration compétents, performants, responsables… et imputables.  Et un nouveau phénomène se pointe : le conseil d’administration (CA) à deux vitesses, composé   de personnes ayant des profils très différents et même incompatibles.

Le CA d’un groupe communautaire est traditionnellement composé de ses membres, c’est-à-dire des personnes pour qui le groupe existe.  L’expertise de ces personnes provient de leur connaissance du milieu et de ses enjeux. Leur présence au CA garantit que le groupe poursuit sa mission et demeure attentif aux besoins du milieu.  Pour ces personnes, le CA est souvent un lieu d’apprentissage.

Par contre, le régime de «reddition de compte» exige que le groupe se dote d’une expertise autre que celle du vécu.  Afin de combler ce besoin, et puisque le CA est légalement responsable du groupe, souvent il cherchera son membership («les ressources») à l’extérieur du bassin habituel de ses membres.  Ainsi, il coopte les «citoyens» qui s’intéressent au groupe, non plus sur la base de leur besoin mais sur celle de leurs compétences  professionnelles : un conseiller du centre d’emploi, une formatrice en éducation des adultes, une «OC du CSSS», un membre de la Caisse populaire locale ou même un politicien local potentiel… . 

Une telle configuration du CA, composé d’une part de «membres» et d’autre part de «ressources»  réunit les conditions objectives nécessaires pour un fonctionnement à deux vitesses : une partie du CA sont des professionnels qui connaissent les dossiers, sont habitués à se réunir, savent comment gérer un organisme et sont à l’aise dans le processus de prise de décision.  Ils comprennent rapidement un document déposé sur place sur lequel il faut prendre une décision immédiate.  Ils possèdent le langage et connaissent les réseaux nécessaires pour défendre effectivement les dossiers du groupe dans les lieux appropriés.  L’autre partie du CA s’y trouvent parce qu’elle a besoin du groupe.  Ces personnes ne connaissent ni les «ressources du milieu»,  ni les différents programmes de financement disponibles.  Une rencontre du CA leur fournit un moment social où ils peuvent échanger avec d’autres.  Tout en étant un lieu d’apprentissage à tous les niveaux (l’expression des idées, la prise de notes et de décision) c’est également un lieu de partage d’autres types de connaissance (spéciaux de la semaine, dates de tombée du camp d’été, qui est un plombier fiable). 

Un CA ainsi formé se trouve face aux défis énormes.  La vitesse nécessaire pour permettre une partie des membres de saisir et maitriser les dossiers traités mène à la frustration des autres pour qui le CA ne va pas assez vite.  Celle-ci a déjà «tout vu» et l’enjeu important s’avère la prise de décision.  Une partie assure une présence fidèle à toutes les rencontres, l’autre partie est là… sauf quand il y a d’autres engagements reliés au travail.  Une partie du CA à tendance de se taire, l’autre à s’exprimer.  Une partie décide, l’autre ne comprend, mais pas de tout, les dossiers traités  Souvent le personnel du groupe, pour qui les enjeux traités au CA les touchent personnellement et professionnellement de près, se rangent plus facilement du côté de ceux avec qui ils partagent langage et analyse.  De plus en plus débordé, le CA de groupe communautaire délaisse le mode apprentissage pour passer en celui d’efficacité : là encore, ce sont les membres qui se trouvent marginalisés au sein de leur propre organisme au point où il devient difficile de solliciter leur engagement.[17] 

À cette situation s’ajoute un autre encore plus délicate qui surgit dans certains groupes, notamment ceux où se trouvent les prestataires d’aide sociale.  À la suite de la catégorisation des citoyens en fonction de leur employabilité, les «aptes» subissent une énorme pression pour réintégrer le marché du travail ou le milieu scolaire; ils délaissent le mode militant[18].  Les militants restants, souvent des prestataires jugés «inaptes» au travail, récusent parfois des comportements compliqués relevant de problèmes de santé mentale ou de la sur-médicamentation.  Ces personnes peuvent utiliser le groupe, et même les rencontres du conseil d’administration, comme un lieu pour briser leur isolement ou discuter «de leurs problèmes».  Incapables de suivre les dossiers au CA, souvent difficilement intégrable dans le groupe, cette situation devient un facteur qui fait fuir d’autres personnes potentiellement intéressés par le groupe ou le CA.

4.  Responsabilisation des administrateurs
Nous l’avons vu précédemment : la loi confie aux conseils d’administration l’ultime responsabilité d’un organisme incorporé.  De plus, elle statue qu’un CA  est composé de personnes physiques qui peuvent être tenues personnellement responsables des décisions du CA.  Dans un contexte où les responsabilités et la gestion financière et administrative s’alourdissent, la responsabilité personnelle des administrateurs se présente comme enjeu nouveau qui freine l’implication des membres aux groupes. Le recours plus fréquent par l’État aux ententes de services comme moyen de financement du communautaire change également la donne.[19]   L’entente de service,  un contrat formel entre un demandeur et un pourvoyeur de service qui comporte un certain nombre d’exigences précises, lie le CA, dont les individus qui le composent à un bailleur de fonds. Le CA devient légalement responsable de la livraison des services contractés.  Dans certains groupes, le niveau d’alphabétisation des membres du CA devient un enjeu puis qu’il faut pouvoir lire et comprendre des contrats complexes.  Le contrat s’ajoute donc à la liste des obstacles qui, pris dans leur ensemble, laisse planer l’idée qu’il faut être «compétent» pour siéger au CA d’un groupe communautaire.  De plus en plus, on préfère laisser sa place aux autres…    

Par ailleurs, une culture de la poursuite semble prendre racine dans le milieu communautaire québécois qui décourage encore une fois la participation citoyenne.  En effet, nous constatons une augmentation alarmante de recours aux poursuites et aux actions quasi-judiciaires comme façon de régler les doléances : les plaintes de harcèlement, de mauvaise gestion, de diffamation accaparent actuellement les énergies et les ressources de nombreux CA.  Des règlements hors cours se multiplient et la Commission des normes du travail reçoivent régulièrement des plaintes.[20]   L’achat de polices d’assurance responsabilité-administrateur, très dispendieuses, peut atténuer certaines craintes mais ne règlent en rien le bris de relations interpersonnelles et la déstabilisation interne des groupes et même des milieux qui succèdent à une action en justice entamée contre un groupe ou une personne. 

N’étant plus un lieu d’apprentissage, on ne peut plus se permettre de faire des erreurs au CA.  Se tromper pourrait occasionner une poursuite, sinon la vérification de la part d’un bailleur de fonds.  Pour se protéger, les membres du CA deviennent moins transparents aux membres du groupe.  Au lieu d’encourager le débat large et de se faire alimenter par la base, certains milieux – et en particulier celui de la santé et des services sociaux- encouragent, et même exigent, que les membres des CA signent des ententes de confidentialité : ce qui se discute au CA reste au CA!  Les CA se coupent ainsi du membership; les membres (restants) ne se sentent plus concernés par ce qui se discute «au CA»… et tranquillement la transparence démocratique s’effrite.  Décidément les principes fondamentaux d’un mouvement démocratique, composé de groupes démocratiques et fondés sur un engagement citoyen éclairé et actif est  chose du passé!

Encore un mouvement citoyen de transformation sociale?
Le portrait que nous venons de tracer est sombre.  Les changements décrits ci-dessus sont réels et ils ont eu pour effet de dénaturer le mouvement communautaire.  Comment prétendre être démocratique quand les membres ne sont plus au rendez-vous, ni aux assemblées générales, ni aux conseils d’administration des groupes?  Quand les bilans annuels des groupes ne sont plus compris par les membres parce qu’ils sont écrits pour un tout autre lectorat?  Quand les instances décisionnelles sont bâillonnées par les ententes de confidentialité et les groupes sont plus préoccupés par la performance et la reddition de comptes que par le débat et la discussion?  Est-il encore possible de renverser la vapeur afin de permettre au milieu communautaire de redevenir une force démocratique de transformation sociale?

Puisque le langage est l’outil qui exprime une compréhension du monde, une partie du défi à relever consiste à revoir le langage utilisé dans le communautaire. Un client à des besoins à combler et non pas des droits à revendiquer – le communautaire «fournisseur de services», qui se limite à cette seule fonction, ne porte plus de revendications d’ordre social.  «Mon enfant a faim» ne veut pas dire «qu’il est à risque» : il veut dire que son droit à une alimentation saine est violé et que comme mouvement de transformation sociale, le milieu communautaire doit assumer une responsabilité collective de dénoncer et de prendre des actions pour remédier cette violation.
 
Scandaleusement, les seules revendications portées aujourd’hui par une bonne partie des groupes communautaires sont celles qui touchent leur financement.  Cette approche corporative est à ce point indécent qu’à Trois-Rivières, lors de la consultation régionale sur le deuxième plan d’action en matière de lutte contre la pauvreté en 2009, les organismes communautaires de la région ont organisé deux manifestations parallèles.  L’une, organisée par le vieux réseau d’éducation populaire, dénonçait le plan gouvernemental axé sur la territorialité, la privatisation et l’appauvrissement des personnes les plus pauvres; l’autre, organisé par un autre secteur du communautaire, a profité de cette consultation importante pour revendiquer du financement pour ses groupes membres.

Dans ce contexte, est-il étonnant que les responsables du ministère de la Santé et des Services sociaux proposent d’enlever la dimension de «transformation sociale» de la définition d’un groupe d’action communautaire autonome, sous prétexte qu’ils n’en voient pas l’évidence dans les bilans annuels des groupes communautaires?  Les professionnels communautaires ne sont pas fous : même un chien de garde ne mord pas la main qui la nourrit…  Encore moins les chiens de poche!

Les fonctionnaires du MSSS proposent également  de retrancher l’aspect de l’approche globale de l’intervention communautaire.  La NGP l’exige : un consommateur vient satisfaire un besoin spécifique.  Le nouveau communautaire, issue de la NGP, doit se limiter à la satisfaction des besoins spécifiques des consommateurs.  Le nouveau rôle du  communautaire ne comprend plus le mandat de former, dans leur globalité,  des citoyens critiques et engagés dans leur milieu.  Le groupe communautaire n’appartient plus à ses membres, n’est plus un véhicule qu’ils se donnent pour défendre et faire avancer un projet social.  Le nouveau communautaire est instrumentalisé à d’autres fins.  Il devient celui fréquenté par des clients ayant des besoins à satisfaire mais pas de revendications à porter. Le membre actif se fait remplacé par le client passif.   C’est là que le bat blesse…[21]




Ouvrages consultées
1.       Aubenas, Florence et Miguel Benasayag  (2002) Résister, c’est créer, La Découverte.
2.       Bourque, Denis  (2009)  Concertation et Partenariat, Presses de l’Université du Québec.
3.       Bourque, Denis et al (2007), Organisation communautaire, Presses de l’Université du Québec.
4.       Comeau, Yvon et al. (2008), L’organisation communautaire en mutation : Étude sur la structuration d’une profession du social,  Presses de l’Université Laval.
5.       Comité aviseur de l’action communautaire autonome (2002), Rapport d’activités, 2001-2002.  Disponible à www.rq-aca.org.
6.       Comité aviseur du Secrétariat à l’action communautaire autonome (1996), «RECOMMANDATION D’ENSEMBLE - Pour la reconnaissance et le financement de l’action communautaire autonome»  Disponible à www.rq-aca.org.
7.       Côté, Louis, et Benoît Levesque (2009), État stratège et participation citoyenne, Presses de l’Université du Québec,
8.       Dugas, Sylvie (2006), Le pouvoir citoyen, Fides.
9.       Duperré Martine, L’organisation communautaire, Les Presses de l’Université Laval, 2004.
10.    Favreau, Louis (1989), Mouvement populaire et intervention communautaire : Continuités et ruptures, 1960 à nos jours, CFP/Les Éditions du Fleuve.
11.    Favreau, Louis (2009), «Le mouvement communautaire québécois a-t-il un avenir?», publié sur son blogue : http://jupiter.uqo.ca/ries 2001/carnet/spip.php?articl33
12.    Fournier, Jacques (2009a), «Quel rôle pour le mouvement communautaire dans la mobilisation sociale? In Point Sud (Longueuil), juin.
13.    Fournier, Jacques (2009b) «Le mouvement communautaire s’autocensure-t-il à cause du financement gouvernemental? In Le Devoir, 11-08-09.
14.    Gouvernement du Québec (2001), L’action communautaire : une contribution essentielle à l’exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec, Politique gouvernementale.
15.    Gouvernement du Québec (2004), Cadre de référence.
16.    Greason, Vincent  (1998), «Décentraliser pour mieux privatiser», Relations, septembre 1998 (643), p. 201-205.
17.    Jetté, Christian (2008), Les organismes communautaires et la transformation de l’État providence, Presses de l’Université du Québec.
18.    Kneen, Brewster (2009),  The Tyranny of Rights  Ram’s Horn.
19.    Lamarche, Lucie (1996), «L’État désétatisé et ses fonctions sociales : un texte de réflexion» in Paquerot, Sylvie, L’État aux orties, Écosociété.
20.    Lamoureux, Henri (1996), Le Citoyen responsable, VLB éditeur.
21.    Lamoureux, Jocelyne et Diane Lamoureux (2009), «Histoires et tensions d’un mouvement» in Relations, mars 2009, pp. 15-17.
22.    leBel, Georges, (2010), Le «Communautaire» ! in Nouveaux Cahiers du socialisme, avril (à paraître)
23.    Mouterde, Pierre (2005), Repenser l’action politique de gauche, Écosociété.
24.    Mouvement d’éducation populaire et d’éducation populaire du Québec (1993) La localisation, la régionalisation ... et la mondialisation, MÉPACQ.
25.    Osbourne, David et Ted Gabler (1996), «Steering Not Rowing», in Managing the Future, MacMillan, Australia.
26.    Riendeau, Jacques, «Juste O.C.A. où…», texte de réflexion en grande circulation, 2009
27.    Ville de Montréal (1992) Pouvoirs, rôles et responsabilités d’un conseil d’administration.
28.    Young, Margot et al (2007), Poverty, UBC Press.




«Le communautaire québécois : Où sont les membres?»
Réflexions sur l’état de la vie associative dans le milieu communautaire
Un texte de vincent greason
Mars 2010



Cochez
SVP



en accord
un peu
en désaccord
Commentaires
Appréciation générale





J’ai appris quelque chose





Je me retrouve dans tes préoccupations et je partage largement  l’analyse…





Ce texte me fait réfléchir





Sujet intéressant, mais ce ne sont pas les bons enjeux





Le texte soulève des questions importantes : essayez de le faire publier




Texte trop long





Le fil conducteur n’est pas clair




J’ai hâte de voir ce que tu proposes comme solution…





Texte trop négatif






1.       J’aurais aimé que tu développes davantage les idées suivantes :




2.       Voici un autre texte qui soulève des enjeux semblables.   Vincent, ça vaut la peine que tu le lises

Titre :
Lieu de publication :



[1] Ce texte est rédigé grâce à l’obtention d’une bourse en provenance de  l’Institut Carold - www.carold.ca  L’auteur demeure seul responsable du contenu du texte.
[2] Le concept de «vie associative» n’existe pas en anglais.  Approximativement on parlera de «internal democracy» ou «internal life». 
[3] Les éléments de «transformation sociale» et de «vie associative» se trouve dans la définition même d’un groupe d’action communautaire autonome (ACA), adoptée en 2001 (Gouvernement du Québec, 2004, section 3).  Les organismes d’action communautaire autonome se sont caractérisés comme  «comme constituants d’un mouvement social autonome d’intérêt public engagé» en 2006.  (Comité aviseur, 1996, p 3).
[4] Lettre d’invitation aux consultations régionales, Rendez-vous de la solidarité,  2009
[5] Au moment d’écrire ces lignes, la vaste majorité d’organismes communautaires sont légalement constitués selon la Loi des compagnies, troisième partie.  La nouvelle loi fédérale propre aux OBNL (juin 2009) préfigure une loi semblable au Québec.  Jusqu’en 2005, des groupes communautaires non-incorporés recevaient encore du financement en provenance du gouvernement du Québec.
[7] Voir, Tardif, Chantal (TNCDC), «La vie des secteurs: Les corporations de développement communautaire» COMAVIS, octobre 2005.
[8]   Définit comme suit : Quand on place l’intérêt du groupe avant celui des personnes avec qui on travaille.
[9]  Notamment, mais pas exclusivement, une situation qui prévalaient au sein du (feu) ministère de l’Éducation.  À cause de l’existence des «demandes regroupées»,  jusqu’en 2004 et bien malgré lui, le MÉQ subventionnait certains Centres de la petite enfance, coopératives funéraires et petits commerces pour leurs activités d’éducation populaire.  Ceux-ci, enveloppés au sein d’une demande consolidée, échappaient au contrôle ministériel.
[10] Un exemple flagrant de cette «confusion» se voit dans l’arrivée fulgurante de la Fondation Lucie et André Chagnon dans le décor québécois. Cette fondation privée s’est liée à l’État par une série de partenariats public-privé sociaux par lesquels le «partenaire» privé contrôle des centaines de millions $ d’argent public.  Pour plus d’information, voir le  blog de la TROVEP de l’Outaouais à  http://observatoirechagnon.blogspot.com/
[11]  Le mot «service» revient à 139 reprises dans la PRAC; la «transformation sociale», 5 fois;  «membre», 1 fois.  
[12] Le nombre de certificats et de programmes d’études supérieures offerts dans les collèges et universités québécois ayant pour but exprès de «former» la prochaine génération d’intervenants communautaires se multiplie de façon exponentielle. Une recherche rapide indique plus de trente programmes et certificats au seul niveau  universitaires, dont des  baccalauréats et même une maîtrise… 
[13] Autrefois, les premiers experts dans un groupe sont les personnes «vivant la situation» : les locataires, les prestataires d’aide sociale, les personnes ayant une déficience quelconque, les femmes, les travailleurs non-syndiqués, etc.  C’est sans doute cet enracinement dans le vécu (lire colère et indignation) qui explique l’action plus revendicatrice des groupes de l’époque. 
[14] C’est dans ces termes que les chercheurs québécois (Jetté, Favreau, etc.) font référence aux groupes communautaires œuvrant particulièrement en santé et services sociaux.  Yves Vaillancourt parlera plutôt de la co-producteur de service. (mod. Version 2)
[15] Voir le programme court du 2e cycle offert à l’Université du Québec dans l’Outaouais en «Gestion et développement communautaires.»
[16] Dans certains groupes, le bilan d’activités s’est élaboré, en assemblée générale, comme une démarche d’appropriation entre membres.
[17]  Au point où plusieurs groupes modifient leurs statuts et règlements afin de désigner un pourcentage de sièges au CA à la population d’origine du groupe.
[18] Ironiquement, plusieurs reviennent dans leur propre organisme... comme stagiaire dans un programme d’employabilité!
[19] Techniquement, même les protocoles d’entente, assurant aux organismes leur financement de mission, sont des contrats.  Celles-ci comportent des obligations sur les CA : un groupe de défense collective des droits doit se comporter conformément à la définition formelle qui l’encadre.
[20] Dans l'Outaouais, depuis trois ans et dans mon entourage : Deux actions de poursuite pour diffamation -un président contre le CA; une permanente contre le CA.  Dans un cas, un règlement hors cours qui a coûté plus de  9 000$ en frais de règlement et d'avocat: le groupe communautaire visé reçoit une subvention annuelle de 32 000$.  Dans l’autre cas, les litigants sont les voisins de palier et la poursuite est toujours en cours.  Elle a considérablement ralenti les activités des deux groupes pendant plus d’un an.  Par ailleurs,  deux autres groupes communautaires sont aux prises avec des plaintes d'harcèlement psychologique.  Dans un cas, une travailleuse actionne un travailleur; dans l’autre, une ex-travailleuse actionne le CA.   De plus, j'ai animé une assemblée de dissolution d’un regroupement dans une situation réputée de mauvaise gestion et dans laquelle les biens personnels de deux administrateurs étaient en jeu.  Mes années au Comité des priorités des dons de la CRC confirme que cette situation n’est pas unique à l'Outaouais... 
[21] Un texte à paraître en août 2010 proposera quelques pistes de sortie.