mercredi 3 mars 2010

Nouvelle loi fédérale sur les OBNL

Cette nouvelle loi a été sanctionnée en juin 2009. Elle se tient sur 150 pages (version bilingue) et contient 296 articles (excluant les abrogations).

Elle est conçue pour créer une loi spécifique aux OBNL qui sont présentement soumis à la Loi canadienne des compagnies (2e partie). Elle vise à faciliter la création des OBNL, augmenter les obligations de transparence de ceux-ci en en matière de la gestion financière. Elle augmente de façon significative les obligations imposées sur les administrateurs.

Chaque OBNL actuellement assujettie à la Loi canadienne des compagnies (partie II)[1] aura trois ans pour faire officiellement la transition au régime de la nouvelle Loi.

La nouvelle loi des OBNL est exhaustive: ses dispositions traitent de tous les aspects du fonctionnement des OBNL soumis à la loi fédérale.

Sommaire des dispositions de cette nouvelle loi

  • Industrie Canada[2] joue un rôle important dans l’application de ses dispositions, notamment en matière de gestion, de réglementation et d’enquête, notamment la surveillance du respect de la loi et des activités relatives à son application. Dans certaines circonstances précises, elle peut annuler les statuts et le certificat de constitution en société de l’organisation.

  • La nouvelle loi simplifie le processus de création des OBNL en autorisant la constitution «de plein droit». Autrement dit, le gouvernement ne procédera plus par l’émission de lettres patentes pour constituer un OBNL. Selon la nouvelle loi fédérale, il n’est plus nécessaire que le ministre approuve la constitution en société. La demande peut être faite par voie électronique, et l’approbation est automatique, pourvu que les dispositions de la loi soient respectées.
    • Ceci concrétise la crainte exprimée par le MÉPACQ-RQACA lors de la consultation du Registraire des entreprises (2006) : L’État se retire de son rôle social envers les OBNL.
    • Au Québec, on accorde toujours ce rôle social à l’État… pour combien de temps?

  • (Dans le même sens) Les OBNL ne seront plus tenues d’avoir un sceau social.
    • Le sceau social est présentement indicatif d’une certaine approbation de l’État de la mission sociale de l’OBNL…

  • (Dans le même sens) Il n’est plus nécessaire de présenter les Statuts et règlements dans le cadre de la procédure de constitution, mais ces règlements et leurs modifications doivent être présentés à Industrie Canada dans le délai prévu une fois que les membres les ont confirmés ou modifiés. Industrie Canada n’est pas chargé d’examiner ou d’approuver les règlements administratifs : il en est simplement le dépositaire.

  • La nouvelle loi décrit et fixe la capacité et les pouvoirs d’un OBNL en tant que personne physique, notamment le droit d’acheter et de vendre des biens, d’investir et d’emprunter de l’argent et d’émettre des titres de créance.
    • N’ayant plus un mot à dire sur les objets recherchés par des OBNL, son rôle se limite au champ économique : transparence de gestion, chien de garde des intérêts des créanciers.
    • On note que la notion OBNL confie une dimension économique aux organismes qui n'est pas présente dans l'appelation Organisme sans but lucratif (OSBL). Un organisme d'économie sociale est «à but non-lucratif». L'économique ne figure pas parmi les objectifs normaux d'un organisme communautaire : il est donc sans but lucratif... Une nuance pour laquelle je remercie Georges leBel.

  • Une organisation n’ayant pas recours à la sollicitation (qui ne sollicite pas de dons auprès du public) a le droit de n’avoir qu’un seul administrateur, alors qu’une organisation ayant recours à la sollicitation doit en compter au moins trois. (Article 125)
    • Proposition dénoncée avec vigueur par le MÉPACQ-RQACA en 2006, et encore en 2008 avec le projet de Jérôme-Forget.

  • En matière financière, la nouvelle loi fédéral assujettit les OBNL à des obligations différentes de rendre des comptes selon qu’il s’agit d’organisations ayant recours ou non à la sollicitation et selon le montant de leurs revenus.
    • Les organisations ayant recours à la sollicitation qui affichent des revenus élevés et les organisations n’ayant pas recours à la sollicitation dont le revenu annuel brut est supérieur à un million de dollars doivent faire l’objet d’une vérification.
    • Les organisations ayant recours à la sollicitation qui affichent des revenus moyens peuvent décider de ne pas faire l’objet d’une vérification à condition que les deux tiers des membres approuvent cette décision et s’engagent à procéder à une mission d’examen.
    • Les organisations ayant recours à la sollicitation qui affichent des revenus peu élevés doivent également se soumettre à une mission d’examen, à moins que les membres en décident autrement.
      • Au Québec, le type de vérification financière imposé aux OBNL ne se trouve pas dans la loi. Il se trouve dans le Cadre de référence de la PRAC.

  • Toutes les OBNL sont tenues de communiquer leurs états financiers aux membres, aux administrateurs et aux dirigeants, ainsi qu’à Industrie Canada. Les organisations ayant recours à la sollicitation sont également tenues de publier leurs états financiers.
      • Je ne comprends pas le sens de «publier leurs états financiers». Où ? Comment?

  • La nouvelle loi attache beaucoup d’importance aux experts-comptables, leur confiant des pouvoirs et des obligations. Les CA deviennent responsables de mettre en œuvre les suggestions des experts-comptables….
    • Le début d’une série de nouvelles obligations sur les CA et les administrateurs…
  • Les administrateurs d’OBNL sont assujettis aux mêmes obligations et normes que les administrateurs d’organisations à but lucratifs encore soumis à la Loi des compagnies. Autrement dit, les administrateurs d’OBNL doivent assumer la responsabilité explicite d’agir honnêtement et de bonne foi dans l’intérêt de l’organisation et de faire preuve de la diligence et de la compétence d’une personne raisonnablement prudente, faute de quoi ils pourront être accusés de négligence. Le projet de loi prévoit également que les administrateurs peuvent invoquer la « diligence raisonnable » contre toute accusation éventuelle. (art. 147-48-49)
    • De mon souvenir, cette responsabilisation des administrateurs est beaucoup plus explicite que ce qui existe présentement au Québec. .

  • Les administrateurs d’un OBNL peuvent être rémunérés… (article 143)
    • Dénoncé par le MÉPACQ-RQACA, si cette idée est retenue par le Québec c’est le modèle du privé qui entre… qui consacrera la victoire de la tendance économie sociale…

  • Les employés deviennent créanciers de l’organisme dont les administrateurs sont responsables pour une période de six mois après la fermeture d’un organisme (art. 146)
    • L’idée dans le projet de réforme de 2006 devient la réalité de la loi fédérale…

  • Le projet de loi énonce les droits des membres d’une organisation en matière de vote, de présence aux assemblées et de convocation des assemblées. Il permet aux absents de voter par procuration, par la poste, par téléphone ou par voie électronique. (art. 136, 7)
    • Voici plusieurs éléments que nous avons dénoncés comme un affaiblissement de la démocratie. Le vote à distance, le vote par procuration…

  • Les membres ont le droit d’avoir accès aux dossiers de l’organisation (et surtout aux états financiers) et aux listes des membres (sous réserve de certaines restrictions), de demander une assemblée et de proposer les questions à discuter à l’assemblée annuelle.
  • Les membres ont le droit de poursuivre les administrateurs ou les dirigeants d’un OBNL, ou les deux, et à une procédure en cas d’abus (une poursuite pour assurer le respect des droits de membres minoritaires), s’ils estiment que l’on a fait du tort à l’OBNL ou à eux‑mêmes en tant que membres de l’organisation.
  • Responsabilisation des administrateurs… c’est une disposition onéreuse qui risque de cause un émoi dans notre milieu si jamais le Québec s’aventure sur cette voie.

  • Enfin, la nouvelle loi énonce, avec beaucoup de détail, les procédures de fusion, prorogation, liquidation et dissolution d’un OBNL.

N'oubliez pas que le gouvernement du Québec s'apprête à bouger dans ce dossier.

Notes préliminaires préparées par Vincent Greason

Février 2010.



[1] L’équivalent de la Loi des compagnies québécoise, 3e partie qui s’applique à la majorité de nos groupes.

[2] L’équivalent au Québec est le Registraire des entreprises.