vendredi 15 janvier 2010

Un conte

Il était une fois les groupes populaires. Ils avaient des membres, pas de permanence et ils défendaient les personnes pauvres. Ils contestaient, ils revendiquaient, ils mobilisaient. Avec le temps, les groupes sont devenus moins populaires et plus communautaires. Les sous commencent à entrer dans leurs coffres et avec cela, ils embauchent du personnel, du bon monde, qui défend les intérêts des personnes pauvres…. Avec le temps, l’arrivée des sous signale l’arrivée des (gentils mais pas très généreux) bailleurs de fonds qui offrent aux groupes la possibilité d’aider davantage les personnes pauvres. Leur donner des petits «extras» et des «paies», comme on disait dans le temps. Encore aujourd’hui, comme dans le bon vieux temps, les groupes communautaires sont-ils toujours ouverts à aider des personnes pauvres. Encore aujourd’hui, les groupes vont-ils probablement sauter sur l’occasion de réussir, de découvrir et de devenir!

Toujours avec le temps (car les choses arrivent tout doucement – on ne les voit pas venir…), le bailleur de fonds public finit par trouver qu’aider les pauvres est une tâche trop importante (financièrement) à assumer tout seul. Et donc il cherche d’autres partenaires, des partenaires locaux, pour l’aider. Il trouve Centraide. Il trouve les conseilleurs en emploi. Il trouve les directrices de groupes communautaires ou de groupes communautaires d’employabilité. Il trouve des intervenantes en insécurité alimentaire (le nouveau nom des groupes qui luttent contre la faim). Il trouve les OC des CSSS… De fil en aguille, les partenaires locaux trouvés par l’État pour prendre la relève dans le dossier de la pauvreté ressentent le besoin de partager leurs expertises et leurs connaissances. Et un jour, un de ceux-ci (avec un peu de financement sans doute) décide de convoquer une rencontre des partenaires pour parler des personnes pauvres et pour identifier ce que l’on puisse faire de plus pour eux (avec moins).

Tellement qu’il y avait de bonnes idées lors de la première rencontre –souvent des idées de gens du communautaire car on a des bonnes idées et une pratique terrain que d’autres experts n’ont pas - que les partenaires ont fixé trois autres rencontres pour donner suite. Des ces trois rencontres ont suivi neuf nouvelles rencontres, chacune avec un p-v et chacune donnant suite à une nouvelle série de rencontres de suivi (dont certaines avec de nouveaux partenaires).[1]

Un bon jour, le soleil se lève, et le conseil d’administration du groupe communautaire se réveille. Il se rend compte qu’avec le temps, le groupe a beaucoup changé. Il a maintenant de l’argent, une équipe permanente de permanents, une directrice. Il est bien structuré. Il a même une mission de « lutter contre la pauvreté », mission pour laquelle il est valorisé par tous les partenaires. Mais…

Mais plus personne ne se connaît dans ce groupe, pourtant dit « communautaire »…

o Les militantEs ne se connaissent pas car il n’y en a plus.

o Les clients du groupe ne se connaissent pas car, tous référés par le CLE (ou le CSSS), ils ont juste hâte de partir après avoir reçu le service pour lequel ils sont venus…

o Les multiples stagiaires ne se connaissent pas car le groupe est juste un lieu de passage de six mois.

o La directrice ne connaît ni les clients, ni les stagiaires, ni vraiment ses employéEs. Elle est toujours à l’extérieur du bureau pour faire « du développement » (Mais elle est très appréciée des autres partenaires -on l’a déjà vu- car « elle connaît le terrain ».) Et lorsqu’elle est au groupe, elle s’enferme dans son bureau pour faire des rapports. Pas drôle la vie de directrice d’un groupe communautaire!

La Morale

(car un conte a toujours une morale...)


A moins de renverser la vapeur, c’est ainsi que notre conte se termine :

o Dans ce monde à l’envers, la « lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale » est vraisemblablement sur la bonne voie. (Il y a moins de BS, « Le Québec progresse! »)

o Dans ce monde à l’envers, une lutte c’est ce qui se fait autour d’une table, à l’aide des statistiques montrées avec une présentation power-point; c’est par la lutte que les experts identifient les poches de pauvreté à cibler (la rareté des ressources oblige); ces choix sont confirmés par d’autres experts en gestion de projets (des professionnels qui connaissent les programmes de financement et qui sont capables d’harmoniser l’expertise de chacunE en matière de pauvreté aux exigences des bailleurs de fonds (oui, vous l’avez copris – la lutte pour le financement des groupes fait partie intégrale à la lutte contre la pauvreté…);

o Dans ce monde à l’envers, la lutte c’est l’immense tâche de mettre en œuvre des projets, de coordonner tous les partenaires, de créer de la synergie et (surtout) de démontrer qu’on a réussi à atteindre les cibles et des objectifs de départ.

o Dans ce monde à l’envers, la lutte contre la pauvreté est menée par les experts, les spécialistes de tout… sauf le fait d’être pauvre.

o Dans ce monde à l’envers, on parle au nom de, on agit pour, on décide à la place de

o Dans ce monde à l’envers, même une partie du communautaire est complice…

Dans ce monde à l’envers, (mais où la lutte contre la pauvreté est bien avancée) on proclame (sans que personne ne dise un mot) que « Le Québec progresse »

Alors que le seuil de faible revenu (SFR), mesure utilisée par l’ONU pour indiquer une sortie de la pauvreté, se situe autour de 22 000$ par année pour une personne seule, dans ce monde à l’envers:

· Les personnes les plus pauvres sont plus pauvres aujourd’hui qu’il ya cinq ans ;

· Un prestataire (seul) sur la solidarité sociale vivote avec 10 348 $ par année;

· Un prestataire sur l’aide sociale vivote avec 6 904$ par année;

· Un jeune sur Alternative Jeunesse empoche le gros lot à 7 852 $ par année; et

· Un travailleur à temps plein au salaire minimum se paie le traite avec 17 680 $ par année. (le seuil d’imposition est autour de 11 000$)

Parce que dans un monde (riche) à l’endroit, on n’en ferait pas de la pauvreté une industrie. On la reconnaîtrait pour ce qu’elle est: un véritable scandale. Et on mobiliserait nos énergies et nos ressources collectives pour que le travail soit une vraie sortie de la pauvreté et pour que toutE citoyenNE puisse jouir de son droit d’un niveau de vie décent. Renversons la vapeur. Travaillons pour remettre le monde à l’endroit

La Fin




[1] Voici, pour un pauvre philosophe, comment le partenariat peut enfin aider à comprendre l’énigme de l’infini…

mercredi 13 janvier 2010

What's coming

Before the summer, and regularly in this space, i hope to be writing on the following subjects.
  1. History of Québec's community movement (francophone) 1960 - 2000
  2. State reorganization and its impact on the community movement
    1. New pratices which change (denature) the movement
    2. Government policy paper (2001) - Towards an institutionalisation
  3. Challenges confronting the «new community movement»
  4. Québec's community movement and what exists in the Rest of Canada (ROC)
    1. The John Hopkins University Study
    2. The new federal law for non-profits : another nail in the coffin!
    3. Some elements of compariso
  5. Is there still a «politicized» community movement in Québec ?

Plan de travail

Allo,
De retour au travail

Si tout va bien, d'ici l'été, voici un aperçu des écrits sur lesquels je travaille et qui trouveront écho sur le blog Suivant Ulysse... Lac-des-Loups se porte très bien, merci... et n'oubliez pas le Rendez-vous (hebdomadaire) des barbuEs (voir le bas du blog).

  1. Historique du communautaire 1960 - 2000
  2. Réorganisation de l’État and son impact sur le communautaire
    1. Nouvelles façons de faire
    2. La Politique de reconnaissance de l'action communautaire (PRAC-2001)
  3. Enjeux devant le nouveau communautaire
  4. Le communautaire québécois et ce qui lui ressemble au ROC
    1. Un mot sur l’étude de John Hopkins
    2. La (nouvelle) Loi (fédérale) sur les OBNL
    3. Un survol de ce qui existe au ROC
    4. Quelques mots comparatifs
  5. Y a-t-il encore une place pour «le communautaire politisé» au Québec