Un texte de discussion/débat
de vincent greason
mars 2010
Le communautaire
québécois :
Où sont les membres?
Réflexions sur l’état de la
vie associative dans le milieu communautaire[1]
Le français n’est pas
(encore) celui de Molière…
et le texte se cherche
encore…
Néanmoins, c’est le
temps qu’il parte –
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suggestions…envoyez-les moi
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Résumé
Dans les années 1960, les premiers «groupes populaires» sont
composés de militants-membres. Forme principale d’organisation communautaire
jusqu’à dans les années 1980, le groupe populaire «appartient» aux membres.
Réunis en assemblée générale, les membres déterminent la direction politique de
leur groupe. Quand la démocratie directe
s’avère un fonctionnement trop lourd, ceux-ci se dotent d’un comité de gestion
qui donne suite à leurs orientations et auprès de qui le comité demeure
complètement redevable. À partir du modèle «populaire» les principes fondamentaux de la vie
associative propre au Québec s’élaborent. Or, plusieurs raisons expliquent que le modèle
populaire n’est plus celui qui domine «le communautaire» d’aujourd’hui, dont
l’arrivée de la Nouvelle gestion publique
(NGP) et ses effets structurants sur le milieu. En conséquence, le membre engagé se
fait remplacer par l’utilisateur et même par le client. Beaucoup plus qu’un changement de vocabulaire,
c’est la relation même d’une personne à l’organisme qui est en jeu. Le communautaire québécois, comme lieu
d’engagement citoyen, se trouve ainsi à
une croisée de chemins.
Le communautaire
québécois :
Où sont les membres?
Introduction
À
l’origine du mouvement communautaire, les premiers «groupes populaires» sont
composés de militants-membres. Forme principale d’organisation communautaire
jusqu’aux années 1980, le groupe populaire «appartient» aux membres. En
assemblée générale, les membres statuent sur presque tous les aspects du
groupe, du service offert aux heures d’ouverture. Quand la démocratie directe
s’avère un fonctionnement trop lourd, les membres se dotent d’un comité de
gestion pour donner suite aux orientations déterminées par eux et auprès de qui
il demeure complètement redevable.
S’identifiant comme faisant partie d’un mouvement large de transformation sociale, les
groupes populaires sont indéniablement une force démocratique. À partir du modèle participatif «populaire» s’élaborent
les principes fondamentaux d’une vie associative qui est propre au Québec et
unique en Amérique du nord.[2] Cette
vie associative – concept qui comprend l’ensemble d’activités, de lieux et de
façons dont un organisme se dote pour faciliter l’interaction entre les
membres- est intégrale, sinon essentielle, à la construction et au maintien d’un
mouvement démocratique. Au cœur de cette
conception de la vie associative est l’idée suivante: un groupe, redevable à
ses membres, existe pour ses membres.
Au cours des années 1980,
l’appellation «populaire» est remplacée par celle du «communautaire». Mais fidèle à ses racines dans le milieu
populaire, le nouveau mouvement
communautaire autonome québécois s’identifie toujours comme «un mouvement
large d’intérêt public», porté et composé de groupes qui, favorisant l’implication citoyenne, témoignent d’une vie associative riche et
variée.[3]
Cependant, nonobstant ces déclarations
formelles force est de constater l’existence de changements profonds qui
modifient le rapport du citoyen aux organismes censés de les «représenter».[4]
Le
pouvoir au sein des groupes
Le communautaire se développe au Québec comme un mouvement démocratique
de transformation sociale. Dans un
groupe populaire, le pouvoir s’exerce directement par les membres qui se sentent
partie prenant de leur groupe. Dans un
groupe communautaire, l’exercice du pouvoir est balisé à partir du moment où le
groupe s’incorpore. Parce que tout organisme
qui reçoit du financement du gouvernement du Québec doit être légalement
constitué,[5]’il n’est plus vrai que les membres «contrôlent» leur groupe. L’incorporation révèle une tension réelle
entre l’exigence de la loi et les pratiques démocratiques du mouvement
communautaire, notamment autour de la notion de la «primauté de l’assemblée
générale». La Ville de Montréal (1992)
souligne le dilemme dans un document produit à l’intention des conseils
d’administration bénévoles :
«L’instance habilitée par la loi à prendre des
décisions et à parler au nom de la corporation est le conseil
d’administration. Son pouvoir d’administrer ne
lui vient pas de ces membres mais de la loi elle-même. Ainsi les membres ne peuvent d’aucune façon
restreindre ce pouvoir […] «Il convient ici de détruire un mythe largement répandu dans la culture des organismes sans
but lucratif, à savoir que «l’assemblée générale est souveraine.» (Notre soulignement)
Ce bref détour sur l’incorporation obligatoire des organismes situe bien
notre interrogation sur la place des membres au sein des organisations
communautaires. Sans remettre l’incorporation
comme telle en question, force est de
constater qu’elle déplace le pouvoir dans un organisme. La loi
relègue les «membres» à une place de seconde zone au sein de leur propre
organisme parce qu’elle concentre le pouvoir au sein du conseil
d’administration (CA), un groupe sélect de membres. Nous verrons plus loin que même la
composition du CA se transforme, de sorte qu’il s’éloigne à son tour des membership.
Au début
des années 2010, les membres actifs et engagés, l’épine dorsale de tout
mouvement démocratique, sont une espèce en voie d’extinction dans bien
d’organismes communautaires québécois. Non
pas que les groupes sont vides, loin de là.
D’ailleurs, ils débordent des personnes : mais celles-ci sont des
clientes ou des consommatrices de services, des personnes qui entretiennent une
forme de relation au groupe autre que celle d’un membre. Un client, consommateur de service, ne cherche pas un engagement. Encore moins ne cherche t-il à mieux jouer
son rôle de citoyen éveillé et critique.
D’ailleurs, faute de lieu, de temps ou de volonté, le débat –élément
critique d’une vie démocratique en santé - se fait rarement au sein des groupes
communautaires. Si le communautaire
actuel est efficace, performant, accueillant et innovateur, il n’est plus un incubateur
de projets collectifs visant la transformation sociale.
Pire,
souvent les gros débats «de fond» se tiennent loin des membres-citoyens. Un petit exemple. Afin de financer le véhicule communautaire qu’il
allait privilégier pour faire la lutte territorialisée contre la pauvreté, le
gouvernement du Québec crée en 2006 un nouveau programme de financement propre
aux corporations de développement communautaire (CDC). Pour y avoir accès, une CDC doit
démontrer qu’elle a « une mission principale qui contribue à la
lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale».[6] Malgré
le fait que, du moins jusqu’en 2005[7], les CDC ne se sont jamais identifiées comme faisant partie de «la lutte
à la pauvreté», plusieurs de ces regroupements ont modifié leur
mission pour ajouter ce volet afin de
pouvoir obtenir du financement. Cet
«ajustement» s’est fait sans débat de fond auprès de leurs membres (encore
moins auprès des membres de leur membres) sur le sens à accorder à cette lutte.
Un
exemple parmi d’autres qui indique comment le corporatisme[8] s’installe dans le milieu et comment on peut constater un affaiblissement
progressif du rôle des membres au sein des groupes. Proposons quelques éléments d’analyse afin de
donner un contexte à cet éloignement réciproque du membre au groupe et du groupe
aux membres.
Un milieu en mutation
En soumettant l’ensemble de groupes communautaires au modèle développé en grande partie par le ministère de la Santé et des Services
sociaux, la Politique de reconnaissance
d’action communautaire (PRAC) (Gouvernement du Québec, 2001) modifie symboliquement
le terrain du communautaire au Québec (Jetté, 2008). En ce sens, cette politique permet à l’État
une mainmise sur les quelques secteurs de l’activité communautaire qui avait
jusqu’alors échappé à son contrôle.[9] Cependant, à un deuxième niveau,
l’importance de la PRAC dépasse le symbolique. Créature de la réorganisation étatique plus
large (MÉPACQ, 1996; Greason, 1998), elle arrive
précisément au moment où la Nouvelle
gestion publique (NGP) s’installe au
Québec (Brunelle, 2005; Lamarche, 1996).
La NGP est un concept de
gestion publique né dans les milieux néolibéraux des années 1970. Arrivée au Québec avec la réforme Léonard de la fin des années
1990, la NGP prône
la modernisation du management des administrations publiques dans le but d'en
améliorer le rapport coût/service. Elle
s’appuie également sur une approche pragmatique de gestion qui nie toute
différence entre la gestion publique et la gestion privée.[10] Les pouvoirs publics doivent moins se
préoccuper de ramer que de tenir le gouvernail (Osborne, Gabler, 1996). En catalyseur et accompagnateur, l’État
définit les priorités collectives et dégage des ressources financières sans
s'investir dans les détails de leur réalisation.
Les «détails» relèvent dorénavant du domaine des «partenaires» qui proviennent des
paliers publics inférieurs (municipalités, villes), du privé… et du
communautaire. Dans ce sens, la NGP balise la territorialisation des activités
étatiques, ce qui explique pourquoi, à la suite des réformes opérées des
gouvernements du Parti québécois des années 1990, la présence de l’État
québécois en région a pris de l’ampleur (MÉPACQ, 1996). De même, les gouvernements libéraux suivants ont
poursuivi le même élan de la déconcentration (abusivement qualifiée de
décentralisation alors qu’aucun pouvoir ne passe du centre aux régions) en
mettant davantage l’accent sur « le local ».
La logique de la NGP imprègne donc la PRAC,
laquelle, faut-il se rappeler, a été négociée avec les représentants du
communautaire et entérinée par la majorité des regroupements (CAACA, 2002). Conformément aux principes de la NGP, la PRAC
définit clairement les règles de jeu entre l’État-bailleur de fonds et les
organismes subventionnés (Québec 2001, 2004).
Elle normalise la pratique des
ententes de services par lesquels l’État définit le produit à fournir, et dont,
à son insu, le communautaire devient le fournisseur[11]; elle institutionnalise un régime de reddition
de comptes qui permet au bailleur de fonds de scruter minutieusement
l’utilisation des fonds publics; elle s’appuie sur la territorialisation des activités étatiques
et prône le partenariat comme nouvelle forme de gouvernance.
Enfin, la NGP conçoit
le citoyen
comme un consommateur de services publics auxquels
l'État doit rendre le meilleur service au moindre coût. De même, la PRAC se base sur une conception
du groupe communautaire comme un
«fournisseur de service», une vision très présente dans le secteur de la
santé et des services sociaux. Dans
cette même perspective, le groupe communautaire est fréquenté davantage par le
client-consommateur, souvent référé par «le réseau», pour un service bien
précis. En contrepartie, cette vision
n’accorde aucune valeur à l’idée du citoyen-membre-engagé, un concept en train
donc de s’éclipser pour les raisons qu’il convient de documenter (Favreau 2009).
Des mutations qui changent la nature
de l’implication citoyenne
Dans la
perspective de la NGP/PRAC, même si l’État se retire progressivement de l’offre
directe de certains services, le besoin de ces services ne disparaît pas. Ils sont exigés par la population. L’État a donc
besoin de créer un réseau parallèle de fournisseurs de services fiables et «professionnels», muni néanmoins d’un
mécanisme qui lui permet d’en garder le contrôle. Une nouvelle dynamique s’installe qui crée un
clivage entre le communautaire «producteur de services» et le citoyen
«consommateur», remettant ainsi en question le concept même de «membre
engagé».
Pris entre
l’arbre et l’écorce, entre ses origines et le rôle que l’on veut lui faire
jouer, le communautaire s’enlise sur la pente glissante qui transforme profondément
la relation du groupe aux personnes qui le fréquentent. Si plusieurs facteurs expliquent et décrivent
les effets de cette transformation; nous nous en limiterons à quatre, lesquels
nous semblent peu abordés dans la littérature consultée.
D’abord,
les membres ont peu de place dans un groupe
professionnalisé; le nouveau mode de
«reddition de comptes» rendent
inaccessibles aux membres une compréhension réelle de leur groupe; et impose
une nouvelle obligation de «compétence» d’un CA laquelle entraine l’émergence
d’un fonctionnement en CA «à deux
vitesses» par lequel les membres sont encore dépossédés de leur groupe; enfin,
et dans la même foulée, «la
responsabilisation des administrateurs» crée un climat de peur et met
définitivement fin à une conception du CA comme un lieu d’apprentissage.
La
professionnalisation du milieu communautaire
Un groupe
communautaire n’est pas composé de pairs.
Même s’il est issu du milieu (Québec, 2004), le groupe communautaire ne
peut plus se permettre, comme à l’époque des groupes populaires, de piger dans
sa base militante pour embaucher son personnel.
Pour offrir le niveau de service exigé aujourd’hui, l’intervenant
communautaire se doit d’être plus compétent et plus formé que jamais.[12] De
fait, le personnel du communautaire possède indéniablement une connaissance des
problématiques auxquelles il est confronté au quotidien. Par contre, peu d’intervenants
communautaires ont «fait leur temps» comme militant dans le milieu de leur
«intervention» et donc leurs connaissances sont fort différentes de celle du
vécu qui était valorisée autrefois.[13] Le danger d’une formation scolaire qui n’est
pas complétée par une connaissance terrain est celui de traduire immédiatement
ce que l’on entend sur le terrain dans le langage «professionnel» qui est plus
familier. Concrètement, le danger pour
l’intervenant est de transformer «Mon
enfant a faim» à «Son enfant est à risque et il lui faut diriger vers une
intervention en persévérance scolaire». En
remplaçant les mots de la «clientèle» par un vocabulaire plus clinique, on
dévalorise l’expérience du citoyen et crée une hiérarchie : «Vous avez dit
mais vous vouliez dire…». On sait mieux qu’eux ce dont ils ont besoin. Cette hiérarchisation,
dont l’effet n’est certainement pas voulu, se vit à bien des niveaux : des titres
d’emploi en passant par la disposition des bureaux, l’habillement du personnel,
l’instauration des heures d’ouverture, le vocabulaire employé dans une
conversation, et même l’affichage en milieu du travail (style : «Défense
de flâner»). Tous ses phénomènes sont
trop présents actuellement dans le milieu.
La conception du groupe communautaire comme un fournisseur de
services creuse un écart entre les «consommateurs» de services et les
«producteurs» de ceux-ci. [14] On normalise ainsi une situation où les
usagers des groupes communautaires s’y rendent pour se prévaloir des
connaissances des intervenants. Le
pouvoir dans le groupe se déplace vers les professionnels, détenteurs de la
connaissance valorisée : en ce sens, le personnel possède quelque chose que le client n’a pas,
et ce quelque chose est une réponse au besoin.
La finalité du travail de l’intervenant communautaire professionnalisé
devient la livraison d’un bon service.
La fin devient plus importante que le «processus» utilisé pour y
arriver. Parce que le client a toujours
raison, parce que le service prime, parce que la NGP exige l’évaluation selon
le rendement, c’est le résultat qui
compte.
Voici donc qu’une
autre dimension de la professionnalisation du communautaire se présente. «Services de première ligne», les solutions
aux problèmes rencontrés dans le communautaire se trouvent souvent à
l’extérieur du groupe. Les solutions ne
se trouvant plus à l’intérieur d’un groupe, on réfère souvent le client
ailleurs –dans un autre groupe, au réseau, au Carrefour jeunesse-emploi, etc.….
Le travail de l’intervenant
communautaire consiste souvent à bien connaître les ressources à l’extérieur du
groupe. À ce titre, il interagit
fréquemment avec des professionnels du réseau ou ceux des différentes tables
sectorielles. Ironie suprême, issue de
cette professionnalisation, est que l’hiérarchie constatée au sein du groupe
entre l’intervenant et les membres/usagers n’existe pas en dehors du groupe. Dans des lieux partenariaux et de
concertation, on s’efforce de travailler sur un pied d’égalité. Avec les professionnels du réseau, les
professionnels du communautaire
partagent un niveau d’instruction et une façon de faire qu’ils ne
trouvent pas avec la clientèle au sein de leur groupe. La «solidarité» s’exprime davantage entre
professionnels qu’entre l’intervenant et l’usager du groupe. Faut-il s’étonner d’apprendre que dans le
secteur de la santé et des services sociaux, l’expérience communautaire est souvent
perçue comme un tremplin pour dénicher un emploi dans le réseau (Comeau et al,
2009).
Pour que le groupe communautaire joue le nouveau rôle qu’on lui demande,
une certaine professionnalisation est inévitable et même nécessaire. En contrepartie, les enjeux du nouveau rôle dépassent
largement les intérêts, la compréhension et même les compétences «du monde
ordinaire» qui fréquentent le groupe. Ainsi la question est posée : si on
ne peut pas envoyer «un membre» au Centre
local d’emploi pour représenter le groupe, ni lui demander de rédiger un
mémoire au nom du groupe, et s’il n’est pas suffisamment formé pour intervenir
auprès de ses concitoyens, que peut-il faire aujourd’hui au sein d’un groupe
professionnalisé ?
2. La reddition de comptes…
À un autre niveau, le milieu communautaire se professionnalise également pour
faire face aux exigences imposées par les bailleurs de fonds, autant public que
privé. Si le pouvoir dans un groupe se déplace
des membres vers les professionnels, il se déplace également vers les bailleurs
de fonds. À noter : la «reddition
de comptes», concept en provenance de la NGP, exige une professionnalisation administrative
et financière accrue des groupes qui, de nature, est différente de celle
décrite dans la section précédente.[15]
Ce ne fut pas toujours ainsi. Il y
a peu de temps, le bilan d’activités, qui n’était pas forcément un document
écrit, était élaboré à l’intention des
membres.[16]
De même, le bilan financier prenait une
forme visuelle afin d’en faciliter la compréhension par les membres. A l’époque, on utilisait une «recette» pour
faire les carrés aux dates; aujourd’hui, on utilise le mot «recette» pour
décrire une partie des données qui se trouvent dans un bilan financier, lequel
d’ailleurs est largement incompris des membres.
La «reddition de compte» a pour effet que les
documents fondamentaux d’un organisme sont inaccessibles aux membres parce qu’ils
ne sont plus rédigés pour eux. Bien remplies de statistiques, de témoignages de
clients satisfaits et de mots des partenaires sur l’importance du groupe pour
le milieu, les cinquante pages du bilan annuel d’un groupe communautaire ne seront
jamais lues par les membres. Remis sur
place à l’AGA, il est parfois présenté
(par le directeur de l’organisme) mais rarement discuté par les membres. Le rapport annuel et le bilan financier servent
aujourd’hui à vendre sa salade : la subvention en dépend. Bien qu’il
demeure nominalement redevable aux membres, l’organisme communautaire est surtout redevable aux bailleurs de fonds, dont
l’État.
L’exigence
de la reddition de compte retombe à d’autres niveaux sur le groupe
communautaire, notamment par l’instauration du culte du mesurable. Celui-ci
dicte que seul ce qui est mesurable est valorisé; le rôle jadis du communautaire comme école de
la citoyenneté ne l’étant pas, il n’est plus à l’ordre du jour des
groupes. Par contre, la «fourniture professionnelle de services» est
éminemment mesurable dans la mesure où le fournisseur se dote de moyens
convenables pour le faire.
3. Le conseil d’administration «à deux vitesses»
Pour
assumer les nouvelles responsabilités confiées par l’État, il incombe aux groupes de se doter de conseils
d’administration compétents, performants, responsables… et imputables. Et un nouveau phénomène se pointe : le
conseil d’administration (CA) à deux vitesses, composé de personnes ayant des profils très
différents et même incompatibles.
Le CA d’un
groupe communautaire est traditionnellement composé de ses membres,
c’est-à-dire des personnes pour qui le groupe existe. L’expertise de ces personnes provient de leur
connaissance du milieu et de ses enjeux. Leur présence au CA garantit que le
groupe poursuit sa mission et demeure attentif aux besoins du milieu. Pour ces personnes, le CA est souvent un lieu
d’apprentissage.
Par contre,
le régime de «reddition de compte» exige que le groupe se dote d’une expertise
autre que celle du vécu. Afin de combler
ce besoin, et puisque le CA est légalement responsable du groupe, souvent il cherchera
son membership («les ressources») à l’extérieur du bassin habituel de ses
membres. Ainsi, il coopte les «citoyens»
qui s’intéressent au groupe, non plus sur la base de leur besoin mais sur celle
de leurs compétences professionnelles :
un conseiller du centre d’emploi, une formatrice en éducation des adultes, une
«OC du CSSS», un membre de la Caisse populaire locale ou même un politicien
local potentiel… .
Une telle
configuration du CA, composé d’une part de «membres» et d’autre part de
«ressources» réunit les conditions
objectives nécessaires pour un fonctionnement à deux vitesses : une partie
du CA sont des professionnels qui connaissent les dossiers, sont habitués à se
réunir, savent comment gérer un organisme et sont à l’aise dans le processus de
prise de décision. Ils comprennent
rapidement un document déposé sur place sur lequel il faut prendre une décision
immédiate. Ils possèdent le langage et
connaissent les réseaux nécessaires pour défendre effectivement les dossiers du
groupe dans les lieux appropriés. L’autre
partie du CA s’y trouvent parce qu’elle a besoin du groupe. Ces personnes ne connaissent ni les
«ressources du milieu», ni les différents
programmes de financement disponibles. Une rencontre du CA leur fournit un moment
social où ils peuvent échanger avec d’autres.
Tout en étant un lieu d’apprentissage à tous les niveaux (l’expression
des idées, la prise de notes et de décision) c’est également un lieu de partage
d’autres types de connaissance (spéciaux de la semaine, dates de tombée du camp
d’été, qui est un plombier fiable).
Un CA ainsi
formé se trouve face aux défis énormes.
La vitesse nécessaire pour permettre une partie des membres de saisir et
maitriser les dossiers traités mène à la frustration des autres pour qui le CA
ne va pas assez vite. Celle-ci a déjà
«tout vu» et l’enjeu important s’avère la prise de décision. Une partie assure une présence fidèle à
toutes les rencontres, l’autre partie est là… sauf quand il y a d’autres
engagements reliés au travail. Une
partie du CA à tendance de se taire, l’autre à s’exprimer. Une partie décide, l’autre ne comprend, mais
pas de tout, les dossiers traités Souvent
le personnel du groupe, pour qui les enjeux traités au CA les touchent
personnellement et professionnellement de près, se rangent plus facilement du
côté de ceux avec qui ils partagent langage et analyse. De plus en plus débordé, le CA de groupe
communautaire délaisse le mode apprentissage pour passer en celui
d’efficacité : là encore, ce sont les membres qui se trouvent marginalisés
au sein de leur propre organisme au point où il devient difficile de solliciter
leur engagement.[17]
À cette
situation s’ajoute un autre encore plus délicate qui surgit dans certains
groupes, notamment ceux où se trouvent les prestataires d’aide sociale. À la suite de la catégorisation des citoyens en
fonction de leur employabilité, les «aptes» subissent une énorme pression pour réintégrer
le marché du travail ou le milieu scolaire; ils délaissent le mode militant[18]. Les militants restants, souvent des prestataires
jugés «inaptes» au travail, récusent parfois des comportements compliqués
relevant de problèmes de santé mentale ou de la sur-médicamentation. Ces personnes peuvent utiliser le groupe, et
même les rencontres du conseil d’administration, comme un lieu pour briser leur
isolement ou discuter «de leurs problèmes».
Incapables de suivre les dossiers au CA, souvent difficilement
intégrable dans le groupe, cette situation devient un facteur qui fait fuir d’autres
personnes potentiellement intéressés par le groupe ou le CA.
4. Responsabilisation des administrateurs
Nous l’avons vu précédemment : la loi confie aux conseils
d’administration l’ultime responsabilité d’un organisme incorporé. De plus, elle statue qu’un CA est composé de personnes physiques qui peuvent
être tenues personnellement responsables des décisions du CA. Dans un contexte où les responsabilités et la
gestion financière et administrative s’alourdissent, la responsabilité personnelle
des administrateurs se présente comme enjeu nouveau qui freine l’implication
des membres aux groupes. Le recours plus fréquent par l’État aux ententes de
services comme moyen de financement du communautaire change également la donne.[19] L’entente de
service, un contrat formel entre un demandeur
et un pourvoyeur de service qui comporte un certain nombre d’exigences précises,
lie le CA, dont les individus qui le composent à un bailleur de fonds. Le CA devient
légalement responsable de la livraison des services contractés. Dans certains groupes, le niveau
d’alphabétisation des membres du CA devient un enjeu puis qu’il faut pouvoir
lire et comprendre des contrats complexes.
Le contrat s’ajoute donc à la liste des obstacles qui, pris dans leur
ensemble, laisse planer l’idée qu’il faut être «compétent» pour siéger au CA
d’un groupe communautaire. De plus en
plus, on préfère laisser sa place aux autres…
Par ailleurs, une culture de la poursuite semble prendre racine dans le
milieu communautaire québécois qui décourage encore une fois la participation
citoyenne. En effet, nous constatons une
augmentation alarmante de recours aux poursuites et aux actions quasi-judiciaires
comme façon de régler les doléances : les plaintes de harcèlement, de
mauvaise gestion, de diffamation accaparent actuellement les énergies et les
ressources de nombreux CA. Des
règlements hors cours se multiplient et la Commission des normes du travail
reçoivent régulièrement des plaintes.[20] L’achat de polices d’assurance
responsabilité-administrateur, très dispendieuses, peut atténuer certaines
craintes mais ne règlent en rien le bris de relations interpersonnelles et la
déstabilisation interne des groupes et même des milieux qui succèdent à une
action en justice entamée contre un groupe ou une personne.
N’étant plus un lieu d’apprentissage, on ne peut plus se permettre de
faire des erreurs au CA. Se tromper
pourrait occasionner une poursuite, sinon la vérification de la part d’un
bailleur de fonds. Pour se protéger, les
membres du CA deviennent moins transparents aux membres du groupe. Au lieu d’encourager le débat large et de se
faire alimenter par la base, certains milieux – et en particulier celui de la
santé et des services sociaux- encouragent, et même exigent, que les membres
des CA signent des ententes de confidentialité : ce qui se discute au CA
reste au CA! Les CA se coupent ainsi du
membership; les membres (restants) ne se sentent plus concernés par ce qui se
discute «au CA»… et tranquillement la transparence démocratique s’effrite. Décidément les principes fondamentaux d’un
mouvement démocratique, composé de groupes démocratiques et fondés sur un
engagement citoyen éclairé et actif est
chose du passé!
Encore un mouvement citoyen de transformation sociale?
Le portrait que nous venons de tracer est sombre. Les changements décrits ci-dessus sont réels
et ils ont eu pour effet de dénaturer le mouvement communautaire. Comment prétendre être démocratique quand les
membres ne sont plus au rendez-vous, ni aux assemblées générales, ni aux
conseils d’administration des groupes? Quand
les bilans annuels des groupes ne sont plus compris par les membres parce
qu’ils sont écrits pour un tout autre lectorat? Quand les instances décisionnelles sont bâillonnées
par les ententes de confidentialité et les groupes sont plus préoccupés par la
performance et la reddition de comptes que par le débat et la discussion? Est-il encore possible de renverser la vapeur afin de permettre au milieu
communautaire de redevenir une force démocratique de transformation sociale?
Puisque le langage est l’outil qui exprime une compréhension du monde, une
partie du défi à relever consiste à revoir le langage utilisé dans le
communautaire. Un client à des besoins à combler
et non pas des droits à revendiquer – le communautaire «fournisseur de
services», qui se limite à cette seule fonction, ne porte plus de
revendications d’ordre social. «Mon
enfant a faim» ne veut pas dire «qu’il est à risque» : il veut dire que
son droit à une alimentation saine est violé et que comme mouvement de
transformation sociale, le milieu communautaire doit assumer une responsabilité
collective de dénoncer et de prendre des actions pour remédier cette violation.
Scandaleusement, les seules revendications portées aujourd’hui par une bonne
partie des groupes communautaires sont celles qui touchent leur financement. Cette approche corporative est à ce point
indécent qu’à Trois-Rivières, lors de la consultation régionale sur le deuxième
plan d’action en matière de lutte contre la pauvreté en 2009, les organismes
communautaires de la région ont organisé deux manifestations parallèles. L’une, organisée par le vieux réseau
d’éducation populaire, dénonçait le plan gouvernemental axé sur la territorialité,
la privatisation et l’appauvrissement des personnes les plus pauvres; l’autre,
organisé par un autre secteur du communautaire, a profité de cette consultation
importante pour revendiquer du financement pour ses groupes membres.
Dans ce contexte, est-il étonnant que les responsables du ministère de la
Santé et des Services sociaux proposent d’enlever la dimension de «transformation
sociale» de la définition d’un groupe d’action communautaire autonome, sous
prétexte qu’ils n’en voient pas l’évidence dans les bilans annuels des groupes
communautaires? Les professionnels
communautaires ne sont pas fous : même un chien de garde ne mord pas la
main qui la nourrit… Encore moins les
chiens de poche!
Les fonctionnaires du MSSS proposent également de retrancher l’aspect de l’approche globale
de l’intervention communautaire. La NGP
l’exige : un consommateur vient satisfaire un besoin spécifique. Le nouveau communautaire, issue de la NGP,
doit se limiter à la satisfaction des besoins spécifiques des consommateurs. Le nouveau rôle du communautaire ne comprend plus le mandat de
former, dans leur globalité, des
citoyens critiques et engagés dans leur milieu.
Le groupe communautaire n’appartient plus à ses membres, n’est plus un
véhicule qu’ils se donnent pour défendre et faire avancer un projet social. Le nouveau communautaire est instrumentalisé
à d’autres fins. Il devient celui
fréquenté par des clients ayant des besoins à satisfaire mais pas de
revendications à porter. Le membre actif se fait remplacé par le client passif. C’est là que le bat blesse…[21]
Ouvrages consultées
1.
Aubenas, Florence et Miguel Benasayag (2002) Résister,
c’est créer, La Découverte.
2.
Bourque, Denis
(2009) Concertation et
Partenariat, Presses de l’Université du Québec.
3.
Bourque, Denis et al (2007), Organisation communautaire, Presses de
l’Université du Québec.
4.
Comeau, Yvon et al. (2008), L’organisation communautaire en mutation : Étude sur la
structuration d’une profession du social,
Presses de l’Université Laval.
5. Comité aviseur de
l’action communautaire autonome (2002), Rapport d’activités, 2001-2002. Disponible à www.rq-aca.org.
6. Comité aviseur du Secrétariat à l’action
communautaire autonome (1996), «RECOMMANDATION D’ENSEMBLE - Pour la
reconnaissance et le financement de l’action communautaire autonome» Disponible à www.rq-aca.org.
7.
Côté, Louis, et Benoît Levesque (2009), État stratège et participation citoyenne,
Presses de l’Université du Québec,
8.
Dugas, Sylvie (2006), Le pouvoir citoyen, Fides.
9.
Duperré Martine, L’organisation communautaire, Les Presses de l’Université Laval,
2004.
10.
Favreau, Louis (1989), Mouvement populaire et intervention communautaire : Continuités et
ruptures, 1960 à nos jours, CFP/Les Éditions du Fleuve.
11.
Favreau, Louis (2009), «Le mouvement
communautaire québécois a-t-il un avenir?», publié sur son blogue :
http://jupiter.uqo.ca/ries 2001/carnet/spip.php?articl33
12.
Fournier, Jacques (2009a), «Quel rôle pour le
mouvement communautaire dans la mobilisation sociale? In Point Sud (Longueuil), juin.
13.
Fournier, Jacques (2009b) «Le mouvement
communautaire s’autocensure-t-il à cause du financement gouvernemental? In Le Devoir, 11-08-09.
14.
Gouvernement du Québec (2001), L’action
communautaire : une contribution essentielle à l’exercice de la
citoyenneté et au développement social du Québec, Politique gouvernementale.
15.
Gouvernement du Québec (2004), Cadre de
référence.
16.
Greason,
Vincent (1998), «Décentraliser pour mieux privatiser», Relations, septembre 1998 (643),
p. 201-205.
17.
Jetté, Christian (2008), Les organismes communautaires et la transformation de l’État providence,
Presses de l’Université du Québec.
18.
Kneen,
Brewster (2009), The Tyranny of Rights Ram’s
Horn.
19.
Lamarche, Lucie (1996), «L’État désétatisé et
ses fonctions sociales : un texte de réflexion» in Paquerot, Sylvie, L’État aux orties, Écosociété.
20.
Lamoureux, Henri (1996), Le Citoyen responsable, VLB éditeur.
21.
Lamoureux, Jocelyne et Diane Lamoureux (2009),
«Histoires et tensions d’un mouvement» in Relations,
mars 2009, pp. 15-17.
22.
leBel, Georges, (2010), Le «Communautaire» ! in Nouveaux Cahiers du socialisme, avril (à
paraître)
23.
Mouterde, Pierre (2005), Repenser l’action politique de gauche, Écosociété.
24.
Mouvement d’éducation populaire et d’éducation
populaire du Québec (1993) La localisation, la régionalisation ... et la
mondialisation, MÉPACQ.
25.
Osbourne,
David et Ted Gabler (1996), «Steering Not Rowing», in Managing the Future, MacMillan, Australia.
26.
Riendeau, Jacques, «Juste O.C.A. où…», texte de
réflexion en grande circulation, 2009
27.
Ville de Montréal (1992) Pouvoirs, rôles et
responsabilités d’un conseil d’administration.
28.
Young,
Margot et al (2007), Poverty, UBC
Press.
«Le communautaire
québécois : Où sont les membres?»
Réflexions
sur l’état de la vie associative dans le milieu communautaire
Un texte de vincent greason
Mars 2010
Cochez
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en accord
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un peu
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Commentaires
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Appréciation générale
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J’ai appris quelque chose
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Je me retrouve dans tes préoccupations et je partage largement l’analyse…
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Ce texte me fait réfléchir
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Sujet intéressant, mais ce ne sont pas les bons enjeux
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Le texte soulève des questions importantes : essayez de le faire
publier
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Texte trop long
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Le fil conducteur n’est pas clair
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J’ai hâte de voir ce que tu proposes comme solution…
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Texte trop négatif
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1.
J’aurais aimé que tu développes davantage les idées suivantes :
2.
Voici un autre texte qui soulève des enjeux semblables. Vincent, ça vaut la peine que tu le lises
Titre :
Lieu de
publication :
[1]
Ce texte est rédigé grâce à l’obtention d’une bourse en provenance de l’Institut Carold - www.carold.ca
L’auteur demeure seul responsable du contenu du texte.
[2]
Le concept de «vie associative» n’existe pas en anglais. Approximativement on parlera de «internal democracy» ou «internal life».
[3]
Les éléments de «transformation sociale» et de «vie associative» se trouve dans
la définition même d’un groupe d’action communautaire autonome (ACA), adoptée
en 2001 (Gouvernement du Québec, 2004, section 3). Les organismes d’action communautaire
autonome se sont caractérisés comme «comme constituants
d’un mouvement social autonome d’intérêt public engagé» en 2006. (Comité aviseur, 1996, p 3).
[5]
Au moment d’écrire ces lignes, la
vaste majorité d’organismes communautaires sont légalement constitués selon la Loi
des compagnies, troisième partie. La
nouvelle loi fédérale propre aux OBNL (juin 2009) préfigure une loi semblable
au Québec. Jusqu’en 2005, des groupes
communautaires non-incorporés recevaient encore du financement en provenance du
gouvernement du Québec.
[6]
Voir http://www.mess.gouv.qc.ca/sacais/soutien-financier/soutien_sacais/MESS/mission-globale/index.asp,
site visité le 3 mars 2010.
[7]
Voir, Tardif, Chantal (TNCDC), «La vie des secteurs: Les corporations de
développement communautaire» COMAVIS,
octobre 2005.
[8] Définit comme suit : Quand on place
l’intérêt du groupe avant celui des personnes avec qui on travaille.
[9]
Notamment, mais pas exclusivement, une
situation qui prévalaient au sein du (feu) ministère de l’Éducation. À cause de l’existence des «demandes
regroupées», jusqu’en 2004 et bien
malgré lui, le MÉQ subventionnait certains Centres
de la petite enfance, coopératives funéraires et petits commerces pour
leurs activités d’éducation populaire.
Ceux-ci, enveloppés au sein d’une demande consolidée, échappaient au
contrôle ministériel.
[10] Un exemple flagrant de
cette «confusion» se voit dans l’arrivée fulgurante de la Fondation Lucie et André Chagnon dans le décor québécois. Cette
fondation privée s’est liée à l’État par une série de partenariats public-privé
sociaux par lesquels le «partenaire» privé contrôle des centaines de millions $
d’argent public. Pour plus
d’information, voir le blog de la TROVEP
de l’Outaouais à http://observatoirechagnon.blogspot.com/
[11] Le mot «service» revient à 139 reprises dans
la PRAC; la «transformation sociale», 5 fois;
«membre», 1 fois.
[12]
Le nombre de certificats et de programmes d’études supérieures offerts dans les
collèges et universités québécois ayant pour but exprès de «former» la
prochaine génération d’intervenants communautaires se multiplie de façon
exponentielle. Une recherche rapide indique plus de trente programmes et
certificats au seul niveau
universitaires, dont des baccalauréats
et même une maîtrise…
[13]
Autrefois, les premiers experts dans un groupe sont les personnes «vivant la
situation» : les locataires, les prestataires d’aide sociale, les
personnes ayant une déficience quelconque, les femmes, les travailleurs
non-syndiqués, etc. C’est sans doute cet
enracinement dans le vécu (lire colère et indignation) qui explique l’action
plus revendicatrice des groupes de l’époque.
[14]
C’est dans ces termes que les chercheurs québécois (Jetté, Favreau, etc.) font
référence aux groupes communautaires œuvrant particulièrement en santé et
services sociaux. Yves Vaillancourt
parlera plutôt de la co-producteur de service. (mod. Version 2)
[15]
Voir le programme court du 2e cycle offert à l’Université du Québec
dans l’Outaouais en «Gestion et développement communautaires.»
[16]
Dans certains groupes, le bilan d’activités s’est élaboré, en assemblée
générale, comme une démarche d’appropriation
entre membres.
[17] Au point où plusieurs groupes modifient leurs
statuts et règlements afin de désigner un pourcentage de sièges au CA à la
population d’origine du groupe.
[18]
Ironiquement, plusieurs reviennent dans leur propre organisme... comme
stagiaire dans un programme d’employabilité!
[19]
Techniquement, même les protocoles d’entente, assurant aux organismes leur
financement de mission, sont des contrats.
Celles-ci comportent des obligations sur les CA : un groupe de
défense collective des droits doit se comporter conformément à la définition
formelle qui l’encadre.
[20]
Dans l'Outaouais, depuis trois ans et dans mon entourage : Deux actions de
poursuite pour diffamation -un président contre le CA; une permanente contre le
CA. Dans un cas, un règlement hors cours qui a coûté plus de 9 000$
en frais de règlement et d'avocat: le groupe communautaire visé reçoit une
subvention annuelle de 32 000$. Dans l’autre cas, les litigants sont les
voisins de palier et la poursuite est toujours en cours. Elle a considérablement ralenti les activités
des deux groupes pendant plus d’un an. Par ailleurs, deux autres groupes communautaires sont aux
prises avec des plaintes d'harcèlement psychologique. Dans un cas, une travailleuse actionne un
travailleur; dans l’autre, une ex-travailleuse actionne le CA. De plus, j'ai animé une assemblée de
dissolution d’un regroupement dans une situation réputée de mauvaise gestion et
dans laquelle les biens personnels de deux administrateurs étaient en jeu. Mes années au Comité des priorités des dons de la CRC confirme que cette
situation n’est pas unique à l'Outaouais...
[21]
Un texte à paraître en août 2010 proposera quelques pistes de
sortie.